(Ottawa) Les trois partis d’opposition et un député libéral ont servi un camouflet au gouvernement Trudeau en adoptant une motion dénonçant sa décision d’accorder la conception du Monument commémoratif national de la mission du Canada en Afghanistan à un groupe qui n’avait pas été retenu par un jury d’experts.

La motion a été adoptée par un vote de 167 à 149. Le député libéral de Louis-Hébert, Joël Lightbound, a voté en faveur de cette motion qui a été proposée à la Chambre des communes par le Bloc québécois tandis que son collègue libéral de Bourassa, Emmanuel Dubourg, s’est abstenu.

Cette motion a été adoptée après un débat d’environ trois heures au cours duquel le Bloc québécois, le Parti conservateur et le NPD ont reproché au gouvernement Trudeau d’avoir fait fi des règles en accordant le contrat de trois millions de dollars à un autre groupe que celui qui avait été choisi par un jury d’experts.

Durant le débat, le Bloc québécois et le Parti conservateur ont aussi accusé le bureau du premier ministre Justin Trudeau d’être intervenu à quelques reprises afin d’écarter le choix du jury. Le député libéral qui a pris la parole, Kevin Lamoureux, a affirmé que le choix du gouvernement a tenu compte d’une vaste consultation menée auprès des anciens combattants.

Rappelons qu’au terme d’un concours de design lancé en 2019, un jury a sélectionné l’équipe Daoust, composée de l’artiste Luca Fortin, de Québec, de la firme d’architecture Daoust Lestage Lizotte Stecker, de Montréal, et de Louise Arbour, ex-haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, pour mener à bien ce projet. La décision est tombée en novembre 2021.

Mais 18 mois plus tard, soit le 19 juin dernier, le ministre des Anciens combattants de l’époque, Lawrence MacAulay a avisé les gagnants, deux heures avant l’annonce officielle, que le gouvernement du Canada, « après mûre réflexion », avait décidé de sélectionner le concept élaboré par une autre équipe, soit l’équipe Stimson. Cette équipe était composée de l’artiste visuel Adrian Stimson, un ancien combattant des Forces armées membre de la Première Nation des Siksikas en Alberta, du groupe d’architectes paysagistes MBTW, de Toronto, et des Projets LeuWebb, coordonnateurs en art public, également de la Ville Reine.

Le ministère des Anciens Combattants, qui est maintenant dirigé par Ginette Petitpas-Taylor depuis le remaniement ministériel qui a eu lieu en juillet dernier, a justifié cette décision que le concept de design de l’équipe Stimson était celui qui reflétait le mieux les commentaires formulés par les vétérans, leurs familles et les autres participants à la mission en Afghanistan, selon un sondage réalisé sur les cinq projets de design finalistes.

« Les raisons évoquées par le gouvernement pour justifier de tasser l’équipe Daoust et choisir l’équipe Stimson ne tiennent absolument pas la route. Donc, quelle est la raison derrière cela ? Qu’est-ce qui a fait en sorte que le gouvernement nous a sorti d’un chapeau le fait que l’équipe Daoust ne serait pas l’équipe gagnante, mais que ce serait l’équipe Stimson ? Je pense qu’on en convient tous : il est facile de comprendre que la décision vient d’en haut et qu’il y a eu ingérence. Actuellement, il n’y a pas d’autre explication crédible », a affirmé le député bloquiste Luc Désilets durant le débat.

« Il s’est passé quelque chose au bureau du premier ministre. Il s’est passé quelque chose avec l’ancien ministre des Anciens Combattants. Cela a fait en sorte qu’on a dit qu’on mettait tout ce que le jury a fait aux vidanges et qu’on prend l’autre proposition de Stimson. Qu’est-ce qui est arrivé ? Pourquoi a-t-on pris cette décision ? C’est la première fois dans l’histoire du Canada qu’un processus professionnel mis en place par le gouvernement, avec des règlements très spécifiques, est rejeté du revers de la main », a pour sa part lancé le député conservateur Pierre Paul-Hus.

Lundi, La Presse a révélé que le bureau du premier ministre Justin Trudeau est intervenu à au moins deux reprises en 2022 afin d’examiner les options qui s’offraient au gouvernement fédéral pour accorder la conception du Monument commémoratif national de la mission du Canada en Afghanistan à un groupe qui n’avait pas été retenu par un jury d’experts.

Des documents obtenus par le Bloc québécois en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et transmis à La Presse démontrent qu’une première réunion impliquant un émissaire du bureau du premier ministre pour discuter de cette affaire a eu lieu le 31 mai 2022, soit environ six mois après qu’un jury eut sélectionné le projet soumis par l’équipe Daoust du Québec.

La motion adoptée mardi s’appuie sur celle adoptée par le comité des anciens combattants, qui s’est penché sur cette affaire cet automne. La motion est la suivante : « Que le Comité dénonce la volte-face du gouvernement et le non-respect des règles dont a fait preuve le gouvernement en décidant de ne pas décerner la conception du monument commémoratif à l’équipe liant l’artiste Luca Fortin et la firme d’architecte Daoust Lestage Lizotte Stecker ayant remporté le concours mené par une équipe d’experts mise sur pied par le gouvernement libéral lui-même. »