Le ministre de la Sécurité publique du Québec, François Bonnardel, défend le système des libérations conditionnelles actuellement en place dans la province, malgré les vives critiques soulevées par un chevronné commissaire nouvellement retraité.

Lundi dans La Presse, Jean Dugré, qui a été commissaire des libérations conditionnelles durant 33 ans dans les systèmes fédéral et provincial, a affirmé que l’outil d’évaluation des délinquants utilisé depuis 2017 par les services correctionnels du Québec ne permet pas d’identifier les facteurs criminogènes et de déterminer les risques de récidive, et a dit croire que cela met en danger la sécurité de la population.

Lisez « L’outil actuel met la population en danger »

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L’ex-commissaire des libérations conditionnelles Jean Dugré.

« En 2022-2023, 97,1 % des détenus qui se sont fait octroyer la libération conditionnelle n’ont pas récidivé. Les commissaires de la Commission québécoise de libération conditionnelle utilisent une multitude d’outils, incluant l’outil actuariel, pour prendre des décisions qui permettent d’assurer la réhabilitation sociale des détenus tout en assurant la sécurité des Québécois. Dans un processus d’amélioration en continu, nos experts analysent tous les moyens afin d’améliorer les procédures et les outils d’évaluations », a répondu le cabinet du ministre de la Sécurité publique du Québec aux questions de La Presse portant sur l’outil d’évaluation des détenus.

Une aberration

M. Dugré a aussi qualifié « d’aberration » le fait qu’un délinquant qui renonce à sa libération conditionnelle sorte automatiquement aux deux tiers de sa peine sans qu’un commissaire puisse lui imposer des conditions jusqu’à la fin de celle-ci.

« Le cadre législatif entourant l’ajout de conditions aux deux tiers de la peine découle de la Loi fédérale sur les prisons et les maisons de correction. À noter, pour une très grande proportion des peines d’emprisonnement de deux ans moins un jour, les tribunaux ajoutent déjà des ordonnances de probation qui débutent dès la sortie de prison. Ces détenus sont donc assujettis à des conditions, » a répondu le cabinet du ministre Bonnardel au sujet des libérations aux deux tiers de la peine.

Invité par La Presse à réagir à la position du ministre Bonnardel, M. Dugré a indiqué que ce ne sont pas tous les condamnés du système provincial qui sont nécessairement soumis à une ordonnance de probation et que ceux qui le sont font l’objet d’une surveillance quasi nulle.

« Je trouve dommage que le ministre ne prenne pas les conseils d’un commissaire de 33 ans d’expérience pour améliorer le système, protéger encore plus la société et favoriser, au moment opportun, la réinsertion sociale des contrevenants ».

« Si M. Bonnardel est d’avis que la société est malgré tout bien protégée et qu’aucune amélioration n’est nécessaire, je l’invite à rencontrer les commissaires de la Commission québécoise des libérations conditionnelles », conclut-il, ajoutant « qu’une telle rencontre n’a jamais eu lieu avec le ministre responsable en 20 ans de pratique ».

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.