(Ottawa) Le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique n’enquêtera pas sur les vacances du premier ministre Justin Trudeau en Jamaïque, malgré les appels des partis d’opposition qui affirment que les voyages « somptueux » ne devraient pas être offerts aux parlementaires, même par des amis intimes.

Le commissaire par intérim Konrad von Finkenstein a déclaré mardi devant le Comité d’éthique de la Chambre des communes qu’en ce qui le concerne, ce dossier était clos.

L’opposition conservatrice, elle, demande à M. Trudeau de rendre publique toute sa correspondance avec le commissaire à l’éthique dans ce dossier.

En vertu de la Loi sur les conflits d’intérêts, M. von Finkenstein ne peut pas divulguer publiquement les conversations qu’il a eues avec le premier ministre à ce sujet. Mais il a déclaré que le séjour de M. Trudeau en Jamaïque était acceptable parce qu’il avait été offert par un ami avec qui il entretient des « liens profonds d’amitié ».

Le commissaire à l’éthique par intérim a affirmé que si le voyage de M. Trudeau avait été inacceptable, il aurait été mentionné sur le site web de son bureau – et rien n’y est inscrit.

Le cabinet du premier ministre avait d’abord déclaré que M. Trudeau couvrirait les frais d’hébergement de ce séjour en Jamaïque, mais son personnel a indiqué plus tôt ce mois-ci que ce séjour avait été offert gracieusement.

« Il n’y a plus rien à soulever. S’il y avait eu quelque chose qui devait être divulgué [à la population], cela l’aurait été », a déclaré M. von Finkenstein mardi.

« Nous avons été conseillés, nous avons donné des avis. Le premier ministre a évidemment entendu ces avis et les a suivis. Ce que lui ou son porte-parole dit publiquement n’est pas sous mon contrôle et je n’ai aucun commentaire [à faire] à ce sujet. »

La Loi sur les conflits d’intérêts autorise les politiciens à accepter des cadeaux et autres avantages uniquement de la part de parents ou d’amis de la famille avec lesquels ils entretiennent des liens étroits bien documentés. M. Trudeau avait enfreint cette règle lorsqu’il a été l’invité de l’Aga Khan aux Bahamas pendant les vacances des Fêtes en 2016.

Bien que la loi n’impose pas de limite à la valeur de tels cadeaux, M. von Finkenstein a le pouvoir d’enquêter sur les cadeaux d’amis dans des circonstances exceptionnelles – comme si un politicien recevait par exemple une Ferrari d’un million de dollars.

« S’il s’agissait d’un cadeau absolument exceptionnel, comme une voiture d’un million de dollars, je peux toujours, si je le souhaite, dire : “C’est tellement inhabituel, j’ai du mal à accepter que vous soyez de bons amis et que vous vous offriez des cadeaux d’un million de dollars” », a expliqué le commissaire mardi.

Et il estime que les vacances de M. Trudeau en Jamaïque n’atteignaient pas ce seuil de cadeau « inhabituel ».

Un ami depuis plus de 50 ans

Plus tôt ce mois-ci, le quotidien National Post a écrit que M. Trudeau avait séjourné dans un domaine luxueux appartenant à son vieil ami Peter Green. La Presse Canadienne n’a pas pu vérifier l’information de manière indépendante et le personnel du premier ministre a refusé de confirmer où les Trudeau ont séjourné.

Le premier ministre a déclaré que Peter Green était un ami de la famille depuis plus de 50 ans, a affirmé M. von Finkenstein, et que leurs visites remontaient à l’enfance de M. Trudeau.

M. Green est également le parrain de l’un des enfants de M. Trudeau.

« Y a-t-il suffisamment de preuves ici pour croire que quelque chose doit faire l’objet d’une enquête ? Non, ce n’est pas le cas », a déclaré le commissaire von Finkenstein mardi.

Les conservateurs et les néo-démocrates soutiennent toujours qu’une enquête devrait avoir lieu, même si aucune plainte officielle n’a été déposée.

Le porte-parole conservateur en matière d’éthique, Michael Barrett, a déclaré qu’il n’était pas raisonnable pour un premier ministre d’accepter ce qu’il appelle un cadeau extravagant dans une « villa de luxe ».

Dans un communiqué, M. Barrett a plus tard indiqué mardi que « si Trudeau est certain que ses vacances de luxe étaient légales, il n’a qu’à divulguer sa correspondance » avec le commissaire à l’éthique.

« Au lieu de cela, il refuse de le faire, tandis que la coalition Libéral-NPD couvre ses traces au Comité. C’est pourquoi le commissaire à l’éthique doit enquêter sur les vacances exorbitantes de Trudeau. »

Le député néo-démocrate Matthew Green a également déclaré que ce voyage était « somptueux » et il réclame une réforme de la Loi sur les conflits d’intérêts. « Ça en démontre les failles : M. von Finkenstein a expliqué aujourd’hui qu’il ne faisait qu’appliquer la loi », a déclaré M. Green.

« Tout commissaire que nous nommerons dans cette position continuera simplement à interpréter la loi telle qu’elle est rédigée, et il est de notre responsabilité en tant que comité de proposer une meilleure loi. »

En attendant, les membres du comité ont convenu à l’unanimité, mardi, de demander au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, ainsi qu’au Bureau de régie interne, d’envisager d’interdire les voyages payés pour les députés, mais ils n’ont pas mentionné les « cadeaux ».