(Québec) Empêtré depuis la rentrée parlementaire dans un débat sur des méthodes controversées de financement politique, où des élus invitent des citoyens et des titulaires d’une charge publique comme des maires à participer à des cocktails de financement pour rencontrer un ministre, le gouvernement de François Legault reconnaît qu’il a utilisé des « formulations maladroites ».

Dans une mêlée de presse tendue, mercredi, les ministres Bernard Drainville et Jean-François Roberge ont par ailleurs une fois de plus accusé l’opposition de s’acharner sur le sujet dans le cadre d’une « campagne de salissage ». M. Roberge a également soulevé une question que personne n’avait posée avant lui : doit-on, au Québec, mettre fin au financement populaire des partis politiques ? Le ministre s’est dit disposé à étudier ce scénario si l’opposition en faisait la demande. Le Parti québécois, Québec solidaire et le Parti libéral n’ont pas formulé ce souhait.

Au cours des derniers jours, des élus caquistes (Louis-Charles Thouin, Yves Montigny, Gilles Bélanger, Sylvain Lévesque et François Jacques) ont été mis dans l’embarras avec la publication de reportages qui ont permis de découvrir que des citoyens et des maires avaient été invités à faire un don de 100 $ à la caisse du parti en participant à une activité de financement politique, soulignant que cela permettait de rencontrer un ministre.

Tour à tour, les partis de l’opposition ont dénoncé cette façon de faire, y voyant un « modus operandi » qui contrevient à l’éthique et qui s’apparente à une façon de monnayer l’accès à un ministre.

En date de mercredi, deux députés caquistes, M. Thouin et M. Lévesque, sont visés par une enquête de la commissaire à l’éthique à ce sujet. Le Directeur général des élections a également indiqué à La Presse Canadienne que « la présence d’un ministre à une activité de financement soulève […] le risque qu’un échange intervenu dans le cadre de l’activité puisse aboutir à une décision ayant une apparence de constituer un avantage fourni en échange d’une contribution ».

Drainville monte le ton

Bernard Drainville, qui a piloté la plus récente réforme du financement politique en limitant les dons à 100 $ en 2012, alors qu’il était ministre dans le gouvernement péquiste de Pauline Marois, s’est insurgé contre l’idée selon laquelle « on peut s’acheter un ministre avec un don de 100 $ ».

« Est-ce qu’il y a eu des formulations maladroites ? Oui, sans doute. Et il va falloir effectivement travailler là-dessus. […] Dans la manière que ça a été formulé, dans la manière que certaines de ces invitations-là ont été libellées, il y a effectivement matière à révision. Je pense qu’il faut être beaucoup plus clair sur le fait qu’il n’y a pas d’accès qui est donné en contrepartie du don. Ça, je pense qu’il faut s’entendre là-dessus », a-t-il dit.

Jean-François Roberge a plus tard insisté sur le fait qu’aucun maire n’est obligé d’aller dans un cocktail de financement pour rencontrer un ministre ou un élu.

« On voit en ce moment qu’il y a une campagne de salissage qui est dommageable et qui entache la réputation de tous les élus et de ceux qui veulent être élus et qui veulent contribuer à la société québécoise », a-t-il ajouté.

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Les ministres Bernard Drainville et Jean-François Roberge

« Si les perceptions changent et si les oppositions veulent qu’on rouvre la discussion, s’ils sont prêts [à dire] “faisons une croix sur le financement” [populaire], si tout le monde est d’accord, moi, je suis prêt à ouvrir cette discussion-là comme ministre des Institutions démocratiques », a conclu M. Roberge.

« Le problème, c’est de monnayer »

Selon Paul St-Pierre Plamondon, cette question posée par le ministre caquiste est tout simplement une « tentative de diversion ». Plus tôt cette semaine, le chef péquiste a affirmé que son parti interdirait à ses ministres de participer à des activités de financement politique s’il était au pouvoir. La CAQ a rapidement rappelé que les ministres péquistes étaient pourtant nombreux à le faire à l’époque du gouvernement Marois.

« Tentative de diversion à peine voilée de la CAQ qui vise le PQ, qui est le parti qui compte le plus de dons populaires et qui mobilise le plus de citoyens. Le financement populaire est un moyen important de participation démocratique et il n’est pas le problème ici. Ce sont les pratiques douteuses de monnayer l’accès à des ministres qui le sont », a déclaré M. St-Pierre Plamondon.

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Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon

En mêlée de presse, le député de Québec solidaire Vincent Marissal, qui a interpellé la commissaire à l’éthique pour qu’elle se prononce sur la controverse, a lui aussi affirmé que le financement populaire des partis politiques ne devait pas être remis en cause. Les dons populaires, pour les partis politiques, représentent annuellement de 20 à 30 % de leur financement total. Le reste des fonds provient de l’État.

« À partir du moment où on respecte les règles et que le financement est fait de façon volontaire, ce n’est pas ça, le problème. Le problème, c’est de monnayer, c’est que ça te prend ton ticket d’entrée pour aller parler à un ministre, puis c’est ça que la CAQ fait », a-t-il dénoncé.

« Je pense que […] ce qui se passe actuellement, de demander des contributions de 100 $ pour rencontrer des ministres, ce n’est pas la chose à faire, point final », a dit Frédéric Beauchemin, du Parti libéral du Québec.