(Ottawa) Faisant fi des nombreuses critiques, le Parti conservateur de Pierre Poilievre a maintenu son opposition au projet de loi C-57 visant à mettre en œuvre le nouvel accord de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine.

Sous les huées des ministres et députés libéraux à la Chambre des communes, les élus conservateurs se sont donc levés l’un après l’autre pour voter contre le projet de loi lors de la troisième et dernière lecture à la Chambre des communes au motif que le traité introduit le concept d’une taxe sur le carbone en Ukraine – un argument qui a été taillé en pièces par le gouvernement de l’Ukraine lui-même, favorable à l’entente.

Grâce à l’appui des députés du Bloc québécois et du Nouveau Parti démocratique, le projet de loi a facilement été adopté par un vote de 214 à 116.

Depuis plusieurs semaines, les libéraux de Justin Trudeau accusent le Parti conservateur et son chef Pierre Poilievre de tourner le dos à l’Ukraine en s’opposant à cet accord de libre-échange et d’appuyer par ricochet l’agression russe menée par le président Vladimir Poutine.

Encore mardi, le premier ministre Justin Trudeau a mis au défi les conservateurs de Pierre Poilievre de se ressaisir au moment où l’Ukraine a plus que jamais besoin de la solidarité du Canada et des pays démocratiques pour repousser la Russie en dehors de ses frontières.

« Les conservateurs continuent de s’opposer à l’Ukraine. C’est inconcevable. Inconcevable », a martelé Justin Trudeau à l’issue de la période de questions.

Le Congrès des Ukrainiens canadiens a salué les députés qui ont voté en faveur du traité de libre-échange. « Nous remercions tous les députés qui ont appuyé ce projet de loi important. Nous sommes déçus que le vote sur ce projet de loi ne fût pas unanime », a affirmé la présidente du CUC, Alexandra Chyczij, dans une déclaration écrite.

« Le CUC va continuer de travailler pour s’assurer que les Ukrainiens courageux reçoivent l’appui dont ils ont besoin et qu’ils méritent durant cette bataille existentielle contre l’agression génocidaire de la Russie. Nous exhortons tous les Canadiens et tous les partis politiques à en faire autant », a-t-elle ajouté.

Le vote sur le projet de loi C-57 est survenu le jour même où un sondage mené par la firme Angus Reid révélait qu’un nombre croissant de Canadiens estiment que le gouvernement Trudeau en fait trop pour soutenir l’Ukraine.

Devant ces résultats, des ministres fédéraux ont tour à tour tenu à réitérer mardi que la solidarité du Canada envers l’Ukraine doit demeurer inébranlable.

« Je pense que les Ukrainiens savent qu’ils peuvent compter sur le Canada, et les Canadiens savent très bien que les Ukrainiens se battent pour leur liberté, mais également la nôtre », a fait valoir la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, avant de participer à une réunion du cabinet.

« Je pense que les Canadiens, aussi, savent très bien que le Canada sera toujours là, autant qu’il le faudra », a-t-elle ajouté.

Son collègue Marc Miller a renchéri que « les Canadiens s’attendent à ce [qu’Ottawa] garde une main ferme là-dessus ». « Le soutien de notre gouvernement ne faiblira pas », a-t-il ajouté.

En matinée, l’Institut Angus Reid signalait que, selon un récent coup de sonde, 25 % des Canadiens sont d’avis que le Canada offre un trop grand soutien à l’Ukraine, qui fait face, depuis environ deux ans, à l’invasion russe. Selon la maison de sondage, la proportion s’élevait plutôt à 13 % en mai 2022 et à 17 % en février 2023.

Le sondage attribue largement la baisse d’appui dans la population canadienne aux électeurs conservateurs. Selon les résultats publiés, 43 % des répondants qui estiment que le Canada en fait trop sont des électeurs conservateurs, contre 10 % pour les sympathisants libéraux et 12 % pour ceux du Nouveau Parti démocratique.

Le leader en Chambre des libéraux, Steven MacKinnon, estime qu’il y a un lien à faire entre ces résultats et la décision du Parti conservateur de s’opposer au projet de loi visant à mettre en œuvre l’accord de libre-échange avec l’Ukraine.

« Quand M. Poilievre montre un leadership défaillant face à un tel impératif moral, vous pouvez évidemment vous attendre à ce que ceux qui le suivent commenceront à faiblir aussi », a-t-il lancé en mêlée de presse.

Les conservateurs disent en avoir contre le libellé de l’entente que le projet de loi vise à moderniser et qui stipule que les deux pays vont « promouvoir la tarification du carbone ». Ils ont affirmé qu’ils ne rejetaient toutefois pas l’idée de modernisation de cet accord.

De passage à Montréal mardi matin, M. Poilievre a, comme les libéraux, réaffirmé que son caucus croit « qu’il faut soutenir l’Ukraine ». Il a affirmé que le premier ministre Justin Trudeau est un « gros parleur, petit faiseur » puisque, selon lui, des mesures d’appui au peuple ukrainien annoncées depuis longtemps se font toujours attendre.

Le chef conservateur a plaidé en faveur de l’exportation de gaz naturel canadien vers l’Europe afin de réduire la dépendance énergétique envers la Russie. Il a ajouté que des missiles en voie d’être détruits au Canada devraient être envoyés à l’Ukraine.

Avec La Presse Canadienne