(Québec) La Coalition avenir Québec (CAQ) remboursera à un couple endeuillé les 200 $ qu’il a payés pour rencontrer la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, lors d’un cocktail de financement.

« Comme parti et comme institution, on est inconfortable de recevoir cet argent-là », a affirmé en entrevue la directrice générale du parti, Brigitte Legault. Elle a écrit vendredi matin à Elizabeth Rivera et Antoine Bittar, un couple qui a perdu sa fille dans un accident de la route et qui dirige la branche montréalaise de l’organisme Les mères contre l’alcool au volant (MADD Montréal).

« On leur a écrit un courriel pour s’excuser de la situation et on leur a offert un remboursement », a dit Mme Legaut.

Selon elle, « cette situation n’aurait jamais dû arriver. On aurait dû leur offrir une rencontre avec la ministre sans payer ».

Le couple a accepté la proposition de remboursement de la CAQ. « On a reçu de sincères excuses aussi, on s’est demandé ma femme et moi si on les acceptait, et on les accepte. Maintenant on veut passer à la prochaine étape : le 0,05 », a affirmé Antoine Bittar.

Le couple milite pour que le Québec rejoigne les autres provinces canadiennes et impose des sanctions administratives dès que l’alcoolémie d’un conducteur atteint 0,05. Or Geneviève Guilbault ferme la porte à une telle mesure. Elle ne veut pas l’ajouter à son projet de loi sur la sécurité routière qui est à l’étude à l’Assemblée nationale.

Jeudi, en commission parlementaire sur ce projet de loi, Elizabeth Rivera et Antoine Bittar ont raconté qu’une employée politique de la députée Marilyne Picard les a invités l’automne dernier à donner 200 $ pour participer à un cocktail de la CAQ en présence de Geneviève Guilbault afin de faire avancer leur cause. « On a eu nos deux minutes [avec la ministre] et honnêtement, quand j’ai quitté l’endroit, j’étais vraiment déçue. J’ai trouvé ça inacceptable qu’on nous demande de payer 200 $ pour rencontrer la ministre », a raconté Mme Rivera.

Selon Brigitte Legault, « il n’y a pas de système » à la CAQ visant à solliciter des personnes qui tentent de faire avancer des dossiers auprès des députés. L’employée politique qui a fait l’invitation n’avait pas de « mauvaise intention ». Ce qui s’est produit avec le couple endeuillé, « c’est un acte isolé », a-t-elle plaidé.

La directrice générale a rappelé que la CAQ a pris une mesure « radicale » la semaine dernière en renonçant au financement populaire.

Le Directeur général des élections du Québec confirmait lundi qu’« il n’est désormais plus possible de faire un don à la CAQ à partir du site web d’Élections Québec ». « La mesure est donc en place, à la demande du parti », disait sa porte-parole Julie St-Arnaud-Drolet.

L’opposition veut aller plus loin

L’opposition demandait à ce que la CAQ rembourse le couple. Vendredi, le péquiste Joël Arseneau a également réclamé que Geneviève Guilbault fasse « amende honorable » en offrant ses excuses à Elizabeth Rivera et Antoine Bittar.

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Le député péquiste des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau

« La ministre Guilbault a multiplié les cocktails de financement et aujourd’hui, je pense qu’elle fait partie d’un système […] qui se dessine. […] On lui demande de faire preuve davantage, je dirais, d’humilité dans ce cas-là », a déploré M. Arseneau.

Selon le Parti québécois, le cœur de l’affaire est ailleurs : « Dans le cas précis […] qu’elle sache à qui elle s’adresse ou pas, ce n’est pas vraiment l’important. […] C’est d’où venait la commande pour que ces cocktails de financement soient fréquentés par les ministres parmi les plus influents », ajoute M. Arseneau. Le Parti québécois interdirait aux ministres de participer à des cocktails de financement.

« Le problème ne s’arrête pas au fait de rembourser. Il y a des responsabilités politiques ici », a fait valoir de son côté le député solidaire, Andrés Fontecilla.

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Andrés Fontecilla, député de Laurier-Dorion

Je sais que la solution, ça va être de désigner un bouc émissaire, le quatrième sous-secrétaire du cinquième adjoint… Non, le problème n’est pas là, le problème […] c’est le semblant de directive qu’il y a eu, et c’est ça qu’on doit enquêter.

Andrés Fontecilla, député solidaire de Laurier-Dorion

Québec solidaire promet d’avoir recours à « tous les moyens à [sa] disposition » pour aller « au fond de cette affaire ». La formation envisage à déposer à nouveau une plainte à la commissaire à l’éthique et à la déontologie et même de réclamer une commission parlementaire.

Pour sa part, la députée libérale Virginie Dufour a rappelé que « ce n’est pas la présence de ministres à des évènements qui est le problème, c’est plutôt de vouloir monnayer l’accès au ministre qui est l’enjeu ».