Québec entend « réduire au minimum » les arrêts des procédures causés par les délais judiciaires en accordant notamment un pouvoir accru aux juges de paix magistrat. Cette mesure va permettre de libérer jusqu’à 20 juges de la Cour du Québec pour entendre des procès criminels.

« Comme ministre de la Justice, chaque fois qu’il y a un arrêt des procédures ou un nolle [abandon des procédures], je ne suis pas content. Je pense aux victimes. Parce que les gens ont le courage de dénoncer une infraction criminelle », a souligné lundi le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette, en présentant de nouvelles mesures émanant de la Table Justice-Québec.

L’an dernier, 83 causes criminelles ont fait l’objet d’un arrêt des procédures en raison des délais, selon le ministre. À cela s’ajoute 274 « nolle prosequi », soit l’abandon des poursuites par la Couronne, dont 171 à la Cour itinérante et 10 à Montréal.

« Derrière chaque cause abandonnée, il y a des personnes victimes, des citoyens qui perdent confiance envers leur système de justice. C’est intolérable. C’est surtout un électrochoc pour tous les intervenants », s’est désolé le ministre Jolin-Barrette, en conférence de presse au palais de justice de Montréal.

« Je veux qu’il n’y ait plus d’autres arrêts des procédures ou d’autres nolle prosequi. Mais je vais être honnête avec vous, ça risque d’arriver, mais au moins on va dans la bonne direction. On a un plan de match », a assuré le ministre.

Ces délais s’expliquent entre autres par la pandémie et par la décision « unilatérale » de la Cour du Québec de faire siéger moins souvent les juges. Or, depuis un an, le ministre Jolin-Barrette et la Cour du Québec ont réglé leur conflit en créant 14 nouveaux postes de juges en échange d’une augmentation du nombre de jours d’audience par juge et l’établissement de nouvelles cibles d’efficacité.

Les nouveaux juges viennent d’ailleurs d’être nommés dans les derniers jours.

La mesure-phare de cette réforme vise les juges de paix magistrat. Peu connus du public, ces juges de la Cour du Québec président entre autres les procès pénaux et statutaires et signent des mandats de perquisition. Le ministre veut accroître considérablement leurs responsabilités.

Une fois que la Loi sera modifiée, les juges de paix magistrat viendront prêter main forte à leurs collègues de la Cour du Québec en s’occupant des comparutions criminelles et des enquêtes sur remise en liberté. Un changement majeur. Résultat : de 15 à 20 juges de la Cour du Québec seront libérés pour d’autres tâches, évalue le ministre.

C’est un effet de cascade pour que les juges de la Cour du Québec se concentrent sur les procès et les requêtes qui sont complexes. On veut utiliser les compétences du juge de paix magistrat à bon escient.

Simon-Jolin Barrette, ministre de la Justice

Pour se passer des juges de paix magistrat, Simon Jolin-Barrette entend modifier la Loi pour alléger le régime de preuve. Des juges-fonctionnaires s’occuperont par exemple de certains dossiers, comme les contraventions remises par un radar-photo. « Ça n’a pas besoin d’être devant un juge de paix magistrat », soutient le ministre.

Parmi les autres mesures, les comparutions des prévenus pourront se tenir à distance à travers le Québec dans le cadre d’un système de rotation.

Ces changements législatifs seront mis en place « assez rapidement », assure le ministre. Quand La Presse interroge le leader parlementaire sur l’imposant agenda législatif au programme cette session-ci, Simon Jolin-Barrette lance en boutade : « Je vais parler au leader parlementaire. »