(Québec) Dans un revirement de situation inattendu, Québec solidaire (QS) annonce à La Presse qu’il n’appuiera pas le gouvernement Legault pour renouveler la clause dérogatoire qui protège la Loi sur la laïcité de l’État contre des contestations judiciaires en vertu de la Constitution canadienne, à moins que le ministre Jean-François Roberge n’accepte un compromis.

Le chef parlementaire du parti, Gabriel Nadeau-Dubois, affirme que son caucus appuiera uniquement le projet de loi déposé par M. Roberge, ministre responsable de la Laïcité, s’il soutient un amendement que déposera QS et qui permettrait aux Québécois opposés à la loi 21 de la contester en vertu de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

En entrevue au Journal de Québec la semaine dernière, le leader parlementaire de QS au Salon bleu, le député Alexandre Leduc, était pourtant clair sur ses intentions.

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Le leader parlementaire de Québec solidaire, Alexandre Leduc.

« Nous, on est à l’aise à ce qu’il y ait une clause dérogatoire de la Charte fédérale parce qu’on est indépendantiste, parce qu’on est nationaliste. […] Ça va dépendre du contenu du projet de loi, mais si ça ne concerne en effet qu’uniquement la clause à la Charte fédérale, on va voter pour, parce qu’on souhaite maintenir la clause dérogatoire de la Charte fédérale », avait-il dit.

Le projet de loi 52 déposé par M. Roberge fait exactement ça, ni plus ni moins. Or, une semaine plus tard, M. Nadeau-Dubois explique que ce n’est plus suffisant pour que le gouvernement ait son appui.

« Si la CAQ croit vraiment que sa loi 21 est conforme aux valeurs québécoises, [elle] ne devrait pas avoir aucune gêne et aucune crainte à ce qu’on soumette cette loi à l’examen de la Charte québécoise [des droits et libertés de la personne] », dit-il à La Presse.

« Dans un état de droit, il y a un équilibre des différents pouvoirs. Il y a un pouvoir législatif, qui vote les lois, et il y a des recours pour les citoyennes et les citoyens de défendre leurs droits face à un gouvernement », ajoute-t-il.

Une question de principes

La co-porte-parole du parti, Émilise Lessard-Therrien, qui affirmait la semaine dernière que « sur le principe de reconduire la clause dérogatoire, on est tout à fait en faveur de ça, puisque la Charte canadienne des droits et libertés, on ne l’a pas signée », précise à son tour sa pensée.

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La co-porte-parole de Québec solidaire, l’ex-députée Émilise Lessard-Therrien.

« C’est vraiment l’occasion de réaffirmer notre allégeance à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. C’est ça, la question. Est-ce que la CAQ veut vraiment protéger l’ingérence du fédéral au Québec, ou est-ce qu’elle veut blinder sa loi contre toutes contestations ? », questionne-t-elle désormais.

M. Nadeau-Dubois et Mme Lessard-Therrien défendent que Québec solidaire, avec cette nouvelle position, n’effectue pas une séance classique de « rétropédalage », comme on en voit parfois en politique.

« On n’avait pas eu le temps de se rencontrer en caucus. On a [depuis] eu des discussions », explique le chef parlementaire.

« Je trouve que depuis le début de ce débat-là, notre position a été sur le fond constante. On est contre la loi 21. On pense que le Québec devrait être capable de faire ses lois, on est aussi des démocrates qui croient en l’état de droit, ce qui veut dire que les Québécoises et les Québécois qui veulent défendre leurs droits en tant que Québécois devraient être capables de le faire », ajoute M. Nadeau-Dubois.

Protéger la « paix sociale »

Dans une mêlée de presse au parlement, la semaine dernière, le ministre Jean-François Roberge a une fois de plus soutenu que la loi adoptée en 2019 dans le premier mandat de la Coalition avenir Québec (CAQ) au gouvernement préserve selon lui la paix sociale.

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Le ministre responsable de la Laïcité, Jean-François Roberge.

« Je pense que c’est un acquis extrêmement important. Ça préserve une paix sociale, ça favorise le vivre ensemble », avait-il plaidé.

La loi 21 interdit aux employés de l’État en position d’autorité, y compris les enseignants, de porter des signes religieux comme le voile musulman, la kippa juive, le turban sikh et les croix chrétiennes. Elle comporte également des dispositions pour se protéger contre des contestations judiciaires en vertu des chartes canadiennes et québécoises des droits et libertés de la personne. Le gouvernement doit renouveler chaque cinq ans cette disposition par rapport à la charte canadienne, mais une telle procédure n’est pas nécessaire pour la version québécoise.

La semaine dernière, les libéraux ont annoncé qu’ils s’opposaient au renouvellement de la clause dérogatoire, alors que le Parti québécois appuie la CAQ sur ce sujet.