(Ottawa) Le gouvernement fédéral n’a pas encore répondu aux recommandations formulées par le juge Paul Rouleau, qui a dirigé la commission d’enquête sur l’utilisation de la Loi sur les mesures d’urgence en 2022.

Il y a un an, la commission présentait son rapport final sur la décision du gouvernement de déclarer un état d’urgence pendant l’occupation d’une partie de la capitale nationale et le blocus de certains passages frontaliers.

La commission avait jugé que le gouvernement avait été justifié d’invoquer la loi, mais avait formulé 56 recommandations, dont certaines modifications législatives.

Le juge Rouleau avait donné un an au gouvernement fédéral pour répondre à la commission d’enquête. Celui-ci devait fournir « un calendrier détaillé de mise en œuvre des recommandations qu’il accepte et une explication détaillée de son refus de mettre en œuvre [celles] qu’il rejette ».

Toutefois, le juge n’imposait aucune sanction contre le gouvernement si ce dernier omettait de lui répondre.

Aucune explication donnée

Le cabinet du ministre de la Sécurité publique dit qu’il donnera « bientôt » de plus amples renseignements sur la réponse gouvernementale. Il n’a toutefois fourni aucune explication pour son retard à présenter une réponse au juge Rouleau.

Une des raisons réside peut-être dans une décision de la Cour fédérale qui contredit les conclusions de la commission d’enquête. Le tribunal avait jugé que le recours à la Loi sur les mesures d’urgence était « déraisonnable » et qu’il contrevenait à la Charte canadienne des droits et libertés.

En février 2022, le gouvernement avait invoqué cette loi, qui autorise des mesures temporaires, notamment la réglementation et l’interdiction des rassemblements publics, la désignation de lieux sécurisés, l’ordre aux banques de geler des avoirs et l’interdiction de soutenir les manifestants.

C’était la première utilisation de cette loi depuis qu’elle a remplacé la Loi sur les mesures de guerre en 1988.

À l’époque, le gouvernement fédéral avait invoqué la loi afin de faire face aux manifestants qui occupaient depuis plusieurs semaines les rues du centre-ville d’Ottawa pour protester contre les mesures sanitaires visant à lutter contre la COVID-19.

Documents à traduire

En plus de la commission d’enquête présidée par le juge Rouleau, un comité parlementaire mixte a été formé en mars 2022 pour examiner le bien-fondé de la déclaration de situation de crise. Les députés et sénateurs se sont rencontrés plus d’une vingtaine de fois, mais n’ont pas encore présenté un rapport substantiel. Leur travail a été ralenti par le grand nombre de documents devant être traduits dans les deux langues officielles avant d’être examinés.

La traduction devrait coûter des millions de dollars. Des élus ont déjà exprimé de la frustration au sujet du retard occasionné par ce travail.

La décision de la Cour fédérale est venue compliquer le processus. Le député conservateur Glen Motz, qui siège au comité mixte, a profité de l’occasion pour demander une nouvelle comparution de plusieurs ministres.

Il a aussi exigé des renseignements sur l’avis juridique sur lequel le gouvernement s’était fondé pour prendre sa décision.

« Était-ce légal ? A-t-il respecté les règles de droit ? Était-ce conforme à la Charte ? Ce sont ces questions que le comité doit examiner », a dit M. Motz.