Le premier ministre du Québec, François Legault, est « très fier » des nouvelles conventions collectives en éducation. Mais elles auront un coût. « On se retrouve avec un budget qui est largement déficitaire, beaucoup plus déficitaire qu’il l’était avant ces négociations », a-t-il prévenu dimanche.

L’ampleur du déficit sera dévoilée lors du dépôt du budget, le mois prochain.

« On a fait le choix de bonifier de façon importante les conditions de travail des enseignants et du personnel scolaire, mais, et là je veux m’adresser à tous les Québécois, ce choix qu’on a fait d’investir massivement dans les services publics va avoir des conséquences financières », a poursuivi M. Legault en point de presse.

Il était accompagné du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, et de la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, qui ont présenté le contenu des ententes de principe conclues en éducation.

« On a fait le choix de donner un grand coup pour améliorer les conditions de travail du personnel dans le réseau de l’éducation », a lancé d’emblée le premier ministre.

Il s’est notamment félicité de la création de 5000 postes permanents dans les écoles et de l’ajout de 4000 aides à la classe dans l’ensemble du réseau préscolaire et primaire afin de soutenir les enseignants.

À la fin de l’entente, le salaire d’un enseignant débutera à 65 000 $ par année et atteindra 109 000 $ par année au dernier échelon salarial, ce qui représente des augmentations entre 18,6 % et 27 %.

Or, si les nouvelles conventions collectives devraient améliorer la rétention et le recrutement du personnel, elles ont aussi un coût, a reconnu M. Legault.

« Comme premier ministre du Québec, j’assume ce choix-là. Je pense que c’est le choix à faire. C’est un choix qui est responsable », a-t-il fait valoir, ajoutant qu’il « n’est pas question de couper quelque service que ce soit » ou d’augmenter les impôts.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Cela pourrait toutefois se traduire par un report de l’équilibre budgétaire, comme l’avait récemment prévenu le ministre des Finances, Eric Girard.

Drainville « optimiste »

Au cours des dernières semaines, plusieurs syndicats ont adopté les ententes de principe à l’arraché, dont la Fédération autonome de l’enseignement (FAE).

Sur ses neuf syndicats affiliés, quatre ont rejeté l’entente, intervenue après environ un mois de grève. Sa présidente, Mélanie Hubert, a même estimé ne pas avoir eu « l’entente que les profs méritent ».

S’il s’est dit « optimiste » quant aux retombées de ces négociations, Bernard Drainville a reconnu qu’il persistait un sentiment d’insatisfaction chez les enseignants et que certaines attentes étaient peut-être « hors d’atteinte ».

Je pense qu’avec le temps, il y a une partie de cette insatisfaction qui va se résorber. Donnons une chance à cette convention-là de se concrétiser dans le quotidien des enseignants et du personnel scolaire.

Bernard Drainville, ministre de l’Éducation

Il a donné en exemple le processus d’affectation des enseignants qui sera devancé au début du mois d’août plutôt qu’à l’orée de la rentrée.

Les enseignants et les parents devront toutefois se montrer patients : les nouvelles ententes ne feront pas de miracle.

« Est-ce qu’on va être capable de combler tous les postes ? La réponse, c’est non, pour la simple et bonne raison qu’il nous manque d’enseignants », a reconnu le ministre de l’Éducation.

La semaine dernière, les membres de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) et de son pendant anglophone, l’Association provinciale des enseignantes et des enseignants du Québec (APEQ), ont entériné à 59,5 % la proposition de règlement sectoriel.

Un message « très maladroit »

La sortie de François Legault a été mal reçue par la présidente de la FSE-CSQ, Josée Scalabrini, qui a eu l’impression qu’on tentait de faire porter la responsabilité du déficit budgétaire aux enseignants.

C’est très maladroit. Pendant ce temps, on a oublié de parler du désinvestissement dans le système d’éducation qui dure depuis 30 ans.

Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ

Un sentiment partagé par la présidente de la FAE, Mélanie Hubert, qui reproche au gouvernement de « culpabiliser » les enseignants. « C’était assurément très malhabile », a-t-elle laissé tomber.

De plus, elle n’a pas apprécié le ton du gouvernement qui s’est chaleureusement félicité du résultat des négociations. De nombreux enseignants ont voté contre les ententes, rappelle-t-elle.

« On aurait aimé entendre le gouvernement faire preuve d’un peu plus d’humilité, de reconnaître qu’il y a encore beaucoup de travail à faire et de se montrer à l’écoute des gens sur le terrain. »

Les principales mesures négociées en éducation

Offrir plus d’aide pour les enseignantes et les enseignants ainsi que pour les élèves, entre autres par :

  • l’ajout de 4000 aides à la classe dans plus de 14 000 classes ;
  • l’aide d’enseignantes et d’enseignants retraités pour soutenir et mentorer les jeunes faisant partie du corps professoral ;
  • la possibilité pour les stagiaires de faire de la suppléance ;
  • l’ajout de travailleuses et de travailleurs spécialisés à temps plein au secondaire ;
  • la mise en place d’un nouveau mécanisme en matière de composition de la classe pour mieux soutenir les enseignantes et les enseignants aux prises avec des élèves en difficulté. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre où il est difficile d’augmenter le nombre de ressources ou de diminuer les ratios d’élèves dans les classes, cela permettra de déployer, si possible, des ressources supplémentaires selon les besoins.

Assurer une plus grande stabilité dans les écoles, notamment en :

  • devançant le processus d’affectation au 8 août. De cette façon, les enseignantes et les enseignants, les élèves et les parents vivront moins d’incertitude puisque les classes seront attribuées dès le début du mois d’août ;
  • améliorant considérablement le statut d’emploi de certains membres du personnel enseignant en ajoutant 5000 postes permanents.

Accorder davantage d’autonomie aux enseignantes et aux enseignants, par exemple en :

  • leur permettant d’effectuer leur tâche de nature personnelle (cinq heures par semaine) à leur domicile ou à l’endroit qu’ils préfèrent ;
  • leur donnant la possibilité d’effectuer cinq des vingt journées pédagogiques en télétravail ;
  • les libérant de la supervision des récréations afin de leur permettre de se consacrer davantage au soutien des élèves ;
  • leur octroyant la possibilité de faire des heures supplémentaires (avec incitatif financier) sur une base volontaire pour prêter main-forte et encourager la prise en charge d’un plus grand nombre de groupes ;
  • permettant des heures plus flexibles (les soirs et la fin de semaine) pour les cours de formation professionnelle, et ce, sur une base volontaire.

Source : Cabinet du premier ministre