(Québec) La décision du Mouvement Desjardins de ne plus financer les achats de maisons dans les zones très inondables est une « bombe », déplorent les partis de l’opposition, qui demandent l’intervention du gouvernement. Sinon, des propriétaires actuels risquent de perdre « beaucoup d’argent ».

« C’est la panique. […] Et tous ceux qui ont acheté, à partir d’aujourd’hui, ils vont se dire : je veux vendre. Mais la nouvelle sur Desjardins circule, là, c’est assez majeur, il ne serait pas prématuré que le gouvernement annonce comment il va faire face à ça. Il y a beaucoup de gens qui vont perdre beaucoup d’argent, ça, c’est sûr », a lancé le député péquiste Pascal Bérubé en point de presse, mercredi, au parlement.

Il réagissait au reportage de La Presse qui rapporte la décision de Desjardins de ne plus offrir de prêts hypothécaires aux acheteurs de maisons dans les zones inondables « 0-20 ans ». Des élus municipaux lancent également un cri d’alarme.

M. Bérubé souligne que dans sa circonscription, Matane-Matapédia, des propriétaires seront touchés de « Sainte-Luce jusqu’à Les Méchins ». « Ça va poser des questions sur l’adaptation aux changements climatiques, à l’enrochement, qui va payer pour ça, et aux moyens pour protéger notre patrimoine résidentiel », a-t-il dit.

Pour la co-porte-parole de Québec solidaire Émilise Lessard-Therrien, « c’est une véritable bombe que Desjardins a lâchée ». « On a besoin d’avoir des réponses et surtout d’entendre comment le gouvernement se positionne par rapport à ça », a-t-elle affirmé. La décision de la coopérative est « extrêmement insécurisante » pour les propriétaires de maisons situées dans des zones inondables, et qui y sont parfois depuis des décennies. Dans le cas de Baie-Saint-Paul, elle craint que cela pousse des résidants à « mettre la pelle » dans des « maisons historiques ».

Québec doit agir

« L’adaptation aux changements climatiques, là, on est précisément là-dessus. Il y a des débordements de rivières, et là, on est… La zone 0-20 ans va être encore plus présente. Qu’est-ce qu’on fait avec les maisons qui sont là ? On est dus pour avoir cette conversation-là avec le gouvernement du Québec », a-t-elle ajouté.

Le libéral André Fortin affirme qu’il ne veut pas « jeter la pierre uniquement à Desjardins ». « Ce n’est pas la seule institution financière à avoir de telles pratiques, ça s’inscrit dans un mouvement de la part de plusieurs assureurs, de plusieurs institutions financières », affirme-t-il.

Il croit cependant que le gouvernement du Québec a le devoir d’aider les propriétaires de maisons. « Le gouvernement du Québec, en 2017 et en 2019, au moment des inondations, a légitimé le fait que des gens habitent en zone inondable en les compensant pour qu’ils protègent leurs résidences », explique-t-il.

Avec les nouvelles cartes, des gens se retrouveront dans des zones à risque

Puisque le gouvernement a accepté que ces gens y restent, il a donc « un rôle à jouer pour s’assurer que les institutions financières puis les assureurs n’aient pas un comportement qui pourrait [nuire] aux gens qui habitent dans ces zones », a lancé le député de Pontiac, une circonscription située dans la région de l’Outaouais, où nombre de personnes vivent en zone inondable.

En chambre, le député solidaire Étienne Grandmont a déploré cette décision « qui va avoir une importance majeure pour beaucoup de propriétaires de maisons autour des cours d’eau du Québec ». « À Baie-Saint-Paul, c’est la moitié du centre-ville qui est en zone 0-20 ans. Si les gens ne peuvent plus avoir d’hypothèque sur leur maison, qu’est-ce qui va leur rester ? », a-t-il dit.

Le ministre de l’Environnement, Benoît Charette, a répondu qu’il s’attendait à ce que de plus en plus de propriétaires se retrouvent dans cette situation. Avec les changements climatiques, la « récurrence au niveau des inondations, malheureusement, est appelée à augmenter au cours des prochaines années », a-t-il dit.

Son ministère doit d’ailleurs déposer d’ici la fin du printemps de nouvelles cartes « pour qualifier le risque, pour que les gens puissent savoir quel est le risque en fonction de leur lieu de résidence, et pour qu’ils puissent se protéger en conséquence », a-t-il indiqué.

Il avertit que ce seront « des changements majeurs, qui ont des impacts dans la vie de bien des citoyens et citoyennes, on est conscients ». Dans certains cas, comme à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, protégée par une digue, les propriétaires pourraient se retrouver « identifiés comme à risque, mais avec la mention ‟ouvrage de protection” qui s’applique à eux ».

La CAQ se tourne vers Ottawa

« Mais de façon générale, il y a des gens dont le niveau de risque va augmenter par rapport à la situation qui est connue aujourd’hui. Mais c’est une conséquence des changements climatiques, et les assureurs s’adaptent à ça », a-t-il dit.

Le ministre des Finances, Eric Girard, a souligné que le gouvernement fédéral a annoncé en 2023 un « fonds national pour l’assurance habitation » qui permettrait de s’adapter aux changements climatiques. « La situation de ce matin, on va regarder ça en détail. On va en parler avec Desjardins, qui est une partie prenante dans le dossier », a-t-il dit.