(Québec) Le gouvernement Legault « fait sa part pour soutenir les élus », selon la ministre Andrée Laforest, qui répond à l’appel de la mairesse démissionnaire de Gatineau, France Bélisle. Des changements doivent plutôt être réalisés « de l’intérieur » des conseils municipaux.

« Notre gouvernement fait sa part pour soutenir les élus dans leurs fonctions. Maintenant, il est important que certains changements s’opèrent de l’intérieur des conseils avec une volonté sincère et au bénéfice des citoyens. Au final, ce sont eux qui en payent le prix », a écrit la ministre des Affaires municipales jeudi sur les médias sociaux.

Plus tôt en journée, Mme Bélisle a annoncé avec émotion qu’elle quittait son poste de mairesse pour « préserver (sa) santé pour l’avenir » et « préserver son intégrité ».

Elle a dit que le rôle de mairesse avait été son travail le plus magnifique, mais aussi le plus difficile de sa vie. Elle affirme avoir été témoin « d’attaques personnelles qui dépassent la critique » provenant d’autres élus, et également de « menaces de mort par certains membres du public ».

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

France Bélisle

Elle a alors invité le gouvernement du Québec à réfléchir « sur cet exode des élus municipaux, mais aussi sur toutes les élections par acclamation ».

Je me surprends que ces centaines de départ, cet exode des élus au Québec, génère si peu de questionnement sur le fond

France Bélisle

Plan d’action

Mme Laforest dit avoir appris « avec regret » la démission de Mme Bélisle et « lui souhaite du succès pour la suite ». « Un climat malsain dans un conseil municipal ne doit pas être toléré », a-t-elle ajouté.

Les deux femmes ont eu une discussion jeudi matin et devraient se rencontrer la semaine prochaine, a précisé le cabinet de la ministre.

La ministre a souligné que depuis son arrivée en poste en 2018, elle a pris « pris de nombreuses mesures et mis en place des outils à la disposition des élus pour favoriser le respect et la civilité ». Une annonce concernant le soutien des élus est d’ailleurs prévue la semaine prochaine, a-t-on indiqué.

Québec a lancé en 2021 un plan d’action pour favoriser le respect et la civilité pour préserver la démocratie municipale, qui comporte des mesures comme informer les élus des « bonnes pratiques sur les médias sociaux », et faire des publicités pour « pour sensibiliser la population sur l’importance de la civilité et du respect dans les échanges avec les personnes élues et les employées et employés municipaux, notamment sur les médias sociaux » ou encore « diffuser un outil sur les bonnes pratiques en déontologie relativement au respect ».

PHOTO KAROLINE BOUCHER, LA PRESSE CANADIENNE

Suzanne Roy, ministre de la Famille

La ministre Suzanne Roy, ex-présidente de l’UMQ et ex-mairesse de Sainte-Julie, s’est dite attristée par la nouvelle.

« Quand les gens décident, parce que c’est difficile, parce que le climat est extrêmement difficile, de démissionner, ça me fait de la peine parce que cet engagement politique est extrêmement important, particulièrement je vous dirais quand on parle de jeunes femmes », a souligné Mme Roy à La Presse.

En novembre dernier, la mairesse de Chapais, Isabelle Lessard, qui était la plus jeune mairesse de la province, a démissionné, éprouvée par la crise des incendies de forêt. Près de 800 maires ont quitté leurs fonctions depuis les élections municipales de 2021, a rappelé jeudi Mme Bélisle.

« Je souhaite que l’on comprenne de plus en plus le travail extrêmement important de nos élus municipaux, le travail de proximité et qu’on ait le plus grand respect pour leur travail », a ajouté Suzanne Roy.

Un contexte difficile

Son collègue Lionel Carmant a montré du doigt les réseaux sociaux, « qui rendent la vie très difficile » aux élus. « La capacité de commenter de façon aléatoire, les trolls qui nous tapent dessus sans raison, on essaye de ne pas regarder, mais on ne peut pas toujours », a-t-il dit.

Ce dernier a aussi eu de bons mots pour Mme Bélisle, qui y était allée d’une charge frontale contre le ministre dans le dossier de l’itinérance, à l’automne.

« Bien que cela n’a peut-être pas été facile au début, on a toujours bien travaillé avec Mme Bélisle, j’appréciais beaucoup le fait qu’elle défende ses citoyens, elle avait une sensibilité pour les plus vulnérables, puis on communiquait régulièrement ensemble, même par textos », a poursuivi M. Carmant.

D’autres politiciens ont également réagi à la démission de Mme Bélisle. Le premier ministre François Legault a remercié la mairesse « pour ses années de service » à la tête de Gatineau. « Je lui souhaite le meilleur pour la suite », a-t-il résumé sur X.

Le ministre responsable de l’Outaouais, Mathieu Lacombe, a pour sa part publié une photo de lui et Mme Bélisle. « La politique, c’est effectivement un don de soi qui s’accompagne de grands sacrifices. C’est un immense privilège, mais c’est aussi renoncer à trop de choses auxquelles nous ne devrions pas toujours », a gazouillé le député de Papineau. « Après la politique, il reste ce qu’on a de plus précieux : notre famille, nos amis. Quand on se sent à la croisée des chemins, se choisir reste donc toujours le meilleur choix », a-t-il ajouté.

Appel « à la réflexion collective ».

L’UMQ a d’ailleurs souligné le « courage » de Mme Bélisle pour son appel « à la réflexion collective ». « Force est de constater que le système dans lequel se pratique la politique municipale présente des lacunes importantes qui mènent à un désengagement des élues et élus municipaux », a écrit l’organisme qui regroupe les grandes villes du Québec.

« À cela s’ajoute le contexte difficile et parfois hostile dans lequel les personnes élues exercent leur fonction. Les cas de harcèlement et d’intimidation envers et entre les élues et élus municipaux ne cessent d’augmenter », déplore le regroupement d’élus.