(Ottawa) Brian Mulroney était le « p’tit gars de Baie-Comeau » et Jean Chrétien, le « p’tit gars de Shawinigan ». Les deux hommes se sont côtoyés sur la colline du Parlement une bonne partie de leurs carrières politiques. Pour M. Chrétien, la plus grande contribution de son adversaire a été de faire revivre le Parti progressiste-conservateur et, en particulier, de percer au Québec.

« C’est une journée triste, le départ de Brian Mulroney », a réagi M. Chrétien jeudi soir dans le foyer de la Chambre des communes où il avait pris la peine de se déplacer.

« Il a fait sa marque comme premier ministre. Il n’y a aucun doute. »

L’ex-premier ministre libéral, qui a célébré ses 90 ans en janvier, n’a pas manqué de souligner qu’il avait été l’adversaire de M. Mulroney durant presque toute la carrière politique de celui-ci sans jamais croiser le fer avec lui dans un débat des chefs.

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

L’ancien premier ministre Jean Chrétien a rendu hommage jeudi à Brian Mulroney.

Je l’aimais comme adversaire, mais je n’ai pas fait d’élections avec lui. Je pense à son chagrin et au mien. Probablement qu’on aurait aimé tous les deux se faire une lutte l’un contre l’autre. On se taquinait à la Chambre à ce sujet-là.

Jean Chrétien, ancien premier ministre libéral du Canada

Brian Mulroney avait quitté la direction du Parti progressiste-conservateur en février 1993, moins d’un an avant les élections qui allaient porter M. Chrétien au pouvoir. La récession, l’échec constitutionnel de l’accord du lac Meech et l’adoption de la taxe sur les produits et services (TPS) quelques années plus tôt l’avaient rendu impopulaire.

Différentes méthodes, même but

« Nous n’étions pas toujours d’accord, c’est bien évident, a reconnu M. Chrétien. Mais on était souvent d’accord. Il croyait comme moi au Canada. Il était un fédéraliste. Pour maintenir l’unité, on avait peut-être des méthodes différentes, mais le but était le même. »

Sur la question budgétaire, ils ne voyaient certainement pas les choses du même œil. Durant le deuxième mandat de M. Mulroney, la dette publique a augmenté et, après son élection, M. Chrétien s’est empressé de la faire diminuer.

« Mais j’ai réussi ! s’est-il exclamé. J’ai réduit le déficit et il avait prédit que je ne pourrais pas le faire. Nous l’avons fait en trois ans et demi et nous sommes devenus un exemple partout dans le monde avant de redevenir déficitaires avec les conservateurs. »

Même s’ils ont été de féroces adversaires politiques, les deux hommes prenaient le temps de se parler au téléphone pour discuter et s’étaient donné des nouvelles dernièrement. Ils avaient l’habitude de se taquiner.

Je faisais une blague que nous étions tous deux du Québec rural et que nous avions suivi la tradition familiale. Il a dit : “Non, pas moi. Mon père, à Baie-Comeau, était un libéral !”

Jean Chrétien, ancien premier ministre libéral du Canada

« Il était lui-même issu d’une minorité. C’était un Anglo du Québec, et moi, j’étais un Franco dans le reste du pays », a-t-il rappelé.

Faire revivre le parti

Ce Québécois, fils d’immigrants irlandais, « croyait profondément à la francophonie partout au pays », a pris soin de souligner la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Liane Roy.

Alors que tous se remémoraient certaines des plus grandes réalisations de M. Mulroney comme sa lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, M. Chrétien estime que sa plus grande contribution aura été dans le monde politique canadien.

« De faire revivre le Parti conservateur, particulièrement au Québec. Ça n’existait pas, les conservateurs au Québec. Et je pense que la plupart de ses amis votaient libéral au fédéral, Union nationale au Québec. Même qu’on en a discuté à quelques reprises. »