Terminer quatrième à une élection partielle n'est généralement pas une occasion de célébrer.

Elizabeth May et le Parti vert du Canada étaient pourtant ravis de la quatrième place de leur candidate lors de la récente élection partielle dans la circonscription de Leeds - Grenville - Thousand Islands et Rideau Lakes, dans l'est de l'Ontario.

Les verts n'ont pas failli remporter le siège - le conservateur Michael Barrett a gagné facilement - mais ils n'avaient que 24 voix d'écart avec le Nouveau Parti démocratique (NPD).

Le jour suivant, le parti se réjouissait de cette « quasi-égalité » avec le NPD.

Le NPD a récolté 883 votes, contre 859 pour les verts ; les deux partis sont allés chercher environ 3 % du vote.

Le Parti vert croit que ces résultats signifient qu'il fait maintenant partie de la cour des grands et que peut-être, il sera se montrer plus compétitif aux prochaines élections d'octobre.

« On a le vent dans les voiles », a constaté la chef du parti, Elizabeth May, lors d'une entrevue de fin d'année avec La Presse canadienne.

C'est un moment attendu depuis longtemps pour un parti que plusieurs croient encore marginal. Le Parti vert du Canada existe depuis 1983, mais il n'a réussi qu'à élire une seule députée : Elizabeth May a remporté les élections de 2011 et de 2015 dans la circonscription de Saanich - Gulf Islands, sur l'île de Vancouver.

Il est arrivé souvent que le parti obtienne de bons résultats dans les sondages entre les élections, mais une fois que le jour J arrive, le vote s'effrite étant donné que les Canadiens se tournent vers des partis qui ont de meilleures chances de succès.

En 2015, Mme May admet que sa formation a perdu la moitié de ses votes dans la dernière semaine de campagne. Mme May été réélue dans sa circonscription, mais la candidate du parti à Victoria, qui avait bon espoir d'être élue, a terminé deuxième, loin derrière le député néo-démocrate Murray Rankin.

Toutefois, avec neuf députés verts provinciaux élus au niveau provincial dans quatre provinces et le Parti vert provincial qui caracole en tête dans les sondages à l'Île-du-Prince-Édouard, les verts jouissent d'un nouvel élan et d'une notoriété importante.

Une menace au NPD et aux libéraux ?

Les verts sont en train de progresser alors que le NPD et son nouveau chef, Jagmeet Singh, peinent à trouver leur place.

Mme May, qui dirige le parti depuis 2006, semble être mieux connue sur le plan national que M. Singh. Les deux politiciens étaient à égalité dans un sondage Abacus Data, dans lequel 11 % des Canadiens voyaient en eux le meilleur premier ministre. En octobre, un sondage de Nanos Research avait demandé à des Canadiens qui, à leur avis, était le mieux placé pour faire face au président américain, Donald Trump, et Mme May apparaissait devant M. Singh

Les intentions de vote du NPD dépassent toujours celles du Parti vert, mais certains observateurs politiques se demandent ouvertement si Mme May et les verts pourraient nuire à la réélection du premier ministre Justin Trudeau.

« Je commence à penser que la principale menace de Justin Trudeau est Elizabeth May, et pas Jagmeet Singh », a écrit sur Twitter David Coletto, président et chef de la direction d'Abacus Data, il y a quelques semaines.

Les verts ont encore des intentions de vote relativement modestes, oscillant entre sept et 8 %, a indiqué M. Coletto. Or, rappelle-t-il, plus du tiers des Canadiens sont ouverts à voter pour le Parti vert, et l'un des enjeux clés de la prochaine campagne électorale sera l'environnement, le sujet préféré des verts.

« L'environnement est potentiellement propice à une percée des verts », a-t-il soutenu. Il a toutefois nuancé : « Cela ne signifie pas que ce sera le cas ».

Un parti à surveiller

Nik Nanos, fondateur de Nanos Research, ne croit pas que les verts remplaceront les néo-démocrates comme solution de rechange aux libéraux à gauche du spectre politique. Pour que cela arrive, dit-il, il faudrait que le NPD implose.

Mais le Parti vert pourrait représenter un vote « discret » lors des prochaines élections, alors que les Canadiens boudent les partis traditionnels.

« À partir de tous les chiffres que je surveille, je regarde les verts de plus près », a-t-il soutenu.

Selon lui, il est très probable que Mme May ait des collègues à la Chambre des communes après les élections d'octobre, qui pourraient provenir du Québec et de la Colombie-Britannique.

Elizabeth May espère que le vote stratégique ne prédomine pas comme en 2015, lorsque les progressistes voulaient à tout prix défaire les conservateurs.

Elle compte sur le nouveau parti de Maxime Bernier, le Parti populaire du Canada, pour grappiller des votes aux conservateurs et ce qui permettrait aux électeurs progressistes de voter avec leur coeur.

« Nous sommes excités de voir ce que 2019 nous réserve », a-t-elle conclu.