Le gouvernement Couillard mettra en place une nouvelle forme d'encadrement dans les centres jeunesse pour contrer le phénomène des fugues à répétition.

Ce sera l'une des mesures d'un plan d'action qui est actuellement en préparation. Mais il faudra attendre avant d'en voir la couleur : son dépôt est prévu à la fin de l'été ou au début de l'automne seulement.

La ministre déléguée à la Protection de la jeunesse, Lucie Charlebois, a fait valoir hier que l'enquête de La Presse confirmait les constats du rapport Lebon sur les fugues dans les centres jeunesse, rapport qui a été rendu public le 15 mars.

Une intervenante du centre Cité des Prairies a déclaré à La Presse que pour contrer les fugues à répétition, « ça pren [ait] un endroit d'où [les jeunes] ne [pouvaient] pas partir. Pas de l'encadrement intensif, juste des portes barrées. Notre mandat, c'est de les protéger, mais on ne peut pas les arrêter pour les protéger ».

NOUVELLE FORME D'ENCADREMENT

Pour Lucie Charlebois, ces propos rejoignent ceux du vérificateur André Lebon. Ce dernier a déploré qu'il n'y ait pas de transition entre l'encadrement intensif, qui vise à placer un jeune dans une unité fermée pour une durée limitée, et le retour aux unités de vie ouvertes, où il y a libre circulation.

Selon lui, « il serait pertinent de prévoir des mesures d'encadrement statique intermédiaires entre l'intensif et le régulier », en particulier « lorsqu'il y a une problématique de fugue récurrente ». Il en fait d'ailleurs une recommandation.

Il faut savoir que le recours à l'encadrement intensif est considéré comme une mesure exceptionnelle. Il doit être de courte durée. Il faut respecter des critères stricts pour prolonger un séjour au-delà de 30 jours.

Avant les changements à la loi en 2007, les centres jeunesse « surutilisaient parfois le recours à l'hébergement en unité sécurisée », note M. Lebon. « À titre indicatif, le Québec est passé de 70 unités à vocation sécuritaire/fermée à 29 unités dont une majorité est dite flottante, car elles conjuguent encadrement intensif et internement des jeunes contrevenants. »

Lucie Charlebois entend donc créer une forme d'encadrement intermédiaire, mais elle n'en a pas encore énoncé les modalités. « Entre l'encadrement intensif et la totale liberté, il faut trouver un moyen pour assurer une meilleure sécurité aux jeunes » qui fuguent de façon chronique, a-t-elle affirmé lors d'un entretien avec La Presse.

L'objectif du gouvernement, a-t-elle ajouté, c'est de « mieux protéger les jeunes et donner les moyens aux intervenants pour agir correctement pour ne pas qu'ils se sentent comme ce que j'ai lu dans La Presse ». Ceux-ci ont témoigné de leur impuissance face aux fugueurs en série. Ils sont liés par la loi, qui stipule qu'une porte de chaque unité de vie doit demeurer déverrouillée.

« DES SURPRISES »

Pour rédiger son plan d'action, Lucie Charlebois a rencontré les directeurs d'établissement, ceux de la protection de la jeunesse, des chercheurs, des organismes communautaires et des jeunes hébergés. « J'ai vu le spectre dans sa grande largeur », a-t-elle insisté.

S'il faut attendre à la fin de l'été ou au début de l'automne pour que le plan d'action soit prêt, c'est parce que le gouvernement « travaille sur quelque chose de vraiment professionnel ». Lucie Charlebois a tenu des propos de nature à gonfler les attentes : « Dans le plan d'action, vous allez avoir des surprises. Ça va être bon. »

L'opposition s'impatiente

« J'attends depuis des mois que la promesse de la ministre se réalise : qu'il y ait une discussion ouverte sur la révision des règles, sur la capacité de fermer les portes dans certains cas, pour certains jeunes qui fuguent à répétition. La Loi sur la protection de la jeunesse doit être revue cette année [elle doit l'être tous les cinq ans], on doit en rediscuter en commission parlementaire. Pour l'instant, on n'a pas d'indications sur quand ça se fera. Mais je pense qu'à court terme, la ministre devrait, dans le cadre de la loi et des règlements actuels, où on peut modifier les règlements assez rapidement, donner plus de latitude aux intervenants. Un plan d'action à la fin de l'été ou au début de l'automne... je ne vois pas pourquoi ça prend tant de temps que ça. Et ça prend aussi des moyens financiers. Le vérificateur Lebon l'a dit : on ne peut pas penser réduire les fugues s'il y a un déficit de moyens. Or il n'y a pas d'augmentation significative des budgets pour les centres jeunesse. » - Jean-François Lisée, député du Parti québécois et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux