Le gouvernement Legault accepte de limiter à 3 % la hausse de la facture de la Sûreté du Québec (SQ) envoyée aux municipalités, a appris La Presse. Déplorant une iniquité, plusieurs villes disposant de leur propre corps policier demandent également à Québec de payer une partie de leur service.

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, et sa collègue aux Affaires municipales, Andrée Laforest, annonceront aujourd'hui un nouveau partage de la facture de la Sûreté du Québec. Cette décision était impatiemment attendue par les 1039 municipalités couvertes par le corps policier provincial, car la convention collective des agents a grandement fait grimper la note.

Les deux associations municipales, l'Union des municipalités et la Fédération québécoise des municipalités, qui réclamaient que la hausse de la facture soit plafonnée près de l'inflation, seront présentes à l'annonce.

Alors que Québec avait injecté l'an dernier 23 millions pour réduire l'impact de la hausse de coûts entraînée par la nouvelle convention collective des policiers de la SQ, le nouveau gouvernement devra cette fois hausser sa contribution à 33 millions pour l'an prochain. Ce coup de pouce supplémentaire permettra de limiter à 3 % la hausse de la facture envoyée aux municipalités. Sans ces modifications, certaines villes auraient vu leur facture de police augmenter de jusqu'à 15 % en 2019.

« On paye deux fois » 

Cette aide accordée aux municipalités couvertes par la SQ a toutefois irrité plusieurs des villes disposant de leur propre corps policier. « On paye deux fois pour la police. On paye 100 % de la facture pour notre corps policier municipal et, à travers les impôts, on paye la moitié de la facture de la SQ », s'est indigné Stéphane Maher, maire de Saint-Jérôme.

Trois villes de taille moyenne, Saint-Jérôme, Saint-Jean-sur-Richelieu et Granby, ont ainsi décidé de faire front commun pour dénoncer ce qu'elles considèrent comme une iniquité. Étant couvertes par des corps policiers municipaux, elles doivent éponger la totalité de la facture.

« On n'est pas contre le fait que le gouvernement atténue l'impact du coût des services policiers sur les municipalités, mais ça prend une équité. »

- François Vaillancourt, directeur général de Saint-Jean-sur-Richelieu

Ces villes réclament donc que Québec couvre près de la moitié de la facture, soit 47 %, comme pour la SQ. Pour les seules villes de Saint-Jérôme, Saint-Jean-sur-Richelieu et Granby, cela représenterait une facture de 28 millions pour le gouvernement.

À 22 millions, le Service de police de Saint-Jérôme accapare 16 % du budget de la Ville. C'est deux fois plus que Drummondville qui, bien que de taille comparable, ne consacre que 8 % de son budget aux services policiers, car elle est servie par la SQ.

« Coûts pharaoniques »

Saint-Jérôme trouve la situation d'autant plus intenable que les coûts des services policiers augmentent rapidement. Le maire évoque des hausses de 8 % à 10 % par an. « Ce n'est pas une question de mauvaise gestion, c'est que les enquêtes sont devenues tellement dispendieuses. Les coûts sont rendus pharaoniques », déplore Stéphane Maher.

Depuis plusieurs années, Saint-Jérôme puisait dans ses réserves pour éviter d'augmenter les taxes de ses citoyens.

 « Cette année, on a atteint un point de non-retour. On a épuisé nos réserves. » 

- Stéphane Maher, maire de Saint-Jérôme

Le budget 2019 que le maire présentera mardi prochain inclura donc une hausse de taxes attribuée essentiellement à la croissance des coûts policiers.

« Il y a une grande injustice et la situation a assez perduré », déplore quant à lui Pascal Bonin, maire de Granby. Les 15 millions que coûte le service de police de sa ville accaparent 14 % de son budget.

Les trois villes insistent : elles ne souhaitent pas perdre leur corps policier municipal, car elles se disent satisfaites de leur travail. C'est la facture qui reste en travers de la gorge. « On ne veut pas que les citoyens se trouvent devant un choix déchirant : soit on va avec la SQ pour économiser, soit on garde notre sûreté municipale, mais on paye une grosse facture », poursuit Pascal Bonin.

Montréal aussi veut un partage

Ces trois villes ne sont pas les seules à souhaiter un meilleur partage des coûts. « Par souci d'équité, pourquoi ne pas accorder un soutien similaire auprès des villes qui ont un service de police municipal ? », demande Beny Masella, maire de Montréal-Ouest et président de l'Association des municipalités de banlieue. Ces 15 villes défusionnées de Montréal sont couvertes par le SPVM et paient donc 341 $ par citoyen (393 $ en incluant les projets).

La Presse a appris que l'ensemble des villes de la région de Montréal s'apprête aussi à faire des démarches auprès du gouvernement afin de couvrir les coûts policiers croissants. « C'est certain qu'on va souhaiter participer à cette discussion. On ne va pas regarder le train passer », a indiqué un membre influent de l'administration montréalaise. Le budget du SPVM s'élevant à 662 millions, un partage équivalant à celui de la SQ représenterait un chèque d'au moins 311 millions.

Le maire de Saint-Jérôme plaide pour une révision complète du financement des services policiers. Selon lui, de nombreux projets d'enquête confiés aux villes devraient être payés par le provincial.

On compte 30 corps policiers municipaux au Québec. Ils couvrent les principales villes, qui abritent les deux tiers de la population de la province. La majorité du territoire québécois est ainsi couverte par la SQ.

La hausse sera plafonnée à 3 %