Le Mohawk Clifton Nicholas avait 18 ans à l'été 1990. La crise d'Oka, il l'a vécue «dans les tranchées», se souvient-il. Il était là lors de la confrontation du 11 juillet qui s'est soldée par la mort d'un policier de la Sûreté du Québec.

«Nous vivions plusieurs émotions en même temps, s'est-il rappelé. Nous avions peur, nous étions tristes, mais nous étions fiers.»

Vingt ans plus tard, jour pour jour, Clifton Nicholas a replongé dans le passé, dimanche matin. Il a pris part à une marche commémorative qui a réuni quelques centaines de personnes à Oka et à Kanesatake.

Aujourd'hui à l'aube de la quarantaine, il dresse un bilan mitigé des événements qui ont marqué son adolescence. «D'une part, la crise a permis de faire connaître notre situation, a-t-il dit, en regardant les nombreux Blancs venus marcher avec lui. Mais en même temps, rien n'a changé du côté des gouvernements.»

Critiques

À l'instar de Clifton Nicholas, les participants ont été nombreux dimanche à critiquer l'attitude de l'État dans les dossiers des Premières Nations. «Vingt ans plus tard, les trois ordres de gouvernement bafouent encore nos droits», a lancé Ellen Gabriel, qui était porte-parole des Mohawks pendant la crise de 1990.

Mme Gabriel déplore que des projets d'expansion menacent toujours le vaste territoire que réclament les siens. La communauté demande actuellement un moratoire sur l'installation d'une mine de niobium et d'un ensemble résidentiel. Les Mohawks revendiquent ces terres, tout comme l'ensemble de l'ancienne seigneurie des Deux-Montagnes. «Elles sont à nous», a déclaré Ellen Gabriel, estimant le territoire mohawk à 283 milles carrés. Après la crise, Ottawa n'a racheté qu'un territoire de 10 milles carrés, a-t-elle rappelé.

Les revendications des Premières Nations ont trouvé écho dimanche parmi les non-autochtones présents, pour la plupart montréalais. C'est le Regroupement de solidarité avec les autochtones qui les avait invités.

Le groupe a été fondé à l'été 1990 pour appuyer la cause des Mohawks. Le syndicaliste Michel Chartrand et le chanteur Richard Desjardins ont notamment participé à leurs activités.

Le porte-parole du Regroupement, François Saillant, a déploré dimanche le refus du gouvernement de Stephen Harper de ratifier sans condition la Déclaration universelle sur les droits des peuples autochtones, adoptée en 2007 par l'Assemblée générale de l'ONU. «La paix est impossible sans la justice», a-t-il déclaré sous les applaudissements de la foule.

Après les déclarations des porte-parole, le cortège a emprunté la route 344 à Oka en direction de Kanesatake. Les participants ont marché en silence, écoutant les chants mohawks entonnés par quelques femmes.

Le groupe s'est arrêté un instant devant la pinède où les affrontements de 1990 se sont déroulés. Rappelons qu'à l'époque, un promoteur souhaitait y agrandir un terrain de golf avec l'accord de la municipalité d'Oka.