Pour les souverainistes, ce qui est bon pour le Kosovo est bon pour le Québec. Pour les fédéralistes, le Kosovo, c'est le Kosovo. L'avis juridique de la Cour internationale de justice (CIJ), qui conclut que la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo ne contrevient pas au droit international, est accueilli par chaque camp selon son prisme idéologique.

Pour Louise Beaudoin, critique péquiste en matière de relations internationales, cet avis juridique revient à dire que, si le Québec imitait le Kosovo, «ce serait le droit international qui primerait et la reconnaissance internationale qui compterait».

«La Cour internationale de justice n'avait jamais dit auparavant que le droit international n'interdit pas la déclaration d'indépendance, même une déclaration unilatérale. C'est une percée», a-t-elle poursuivi.

Plus encore, cet avis juridique porte un sérieux coup, selon Mme Beaudoin, à la Loi sur la clarté, adoptée en 2000, qui précisait les circonstances dans lesquelles le gouvernement du Canada pourrait entreprendre des négociations sur la sécession d'une province.

Dans son avis, la Cour internationale de justice dit, de façon plutôt alambiquée, qu'elle répond exclusivement à la question de savoir si la déclaration d'indépendance était «conforme au droit international». Tout en répondant par l'affirmative, elle ajoute cependant qu'«il se pourrait parfaitement (...) qu'une déclaration unilatérale d'indépendance ne soit pas en violation du droit international, sans constituer nécessairement l'exercice d'un droit conféré par ce dernier».

N'empêche, pour Gérald Larose, président du Conseil de la souveraineté du Québec, l'avis «invalide des éléments importants du discours fédéraliste canadien». La CIJ confirme, dit-il, qu'il n'y a pas d'interdit en droit international en matière d'indépendance, que la Constitution de l'État visé par la sécession ne représente pas un empêchement et que l'intégrité territoriale de cet État ne peut être invoquée lors d'une sécession.

Cet avis ajoute donc, selon lui, «à la reconnaissance du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et renvoie les opposants au respect de la volonté démocratique».

Un autre son de cloche

Le discours est tout autre du côté d'Ottawa. Lawrence Cannon, ministre des Affaires étrangères du Canada, a repris les mots du chef du parti libéral, Michael Ignatieff: le Québec, ce n'est pas le Kosovo.

L'indépendance du Kosovo «a été précédée par une période de conflit brutal, de nettoyage ethnique et d'intervention internationale. On ne peut comparer le Kosovo au Québec», a indiqué par courriel l'attachée de presse du ministre, qui se trouvait à l'extérieur du pays hier.

C'est si vrai, a-t-elle poursuivi, que le Canada lui-même a reconnu l'indépendance du Kosovo au mois de mars 2008.

M. Cannon espère que l'avis de la Cour internationale de justice incitera d'autres pays à emboîter le pas et à reconnaître la souveraineté du petit État.

Le gouvernement allemand a aussi avancé hier que le cas du Kosovo était très particulier et ne créait pas de précédent. Avec La Presse Canadienne

Agence France PressePendant ce temps au Kosovo

«La boîte de Pandore des séparatismes est ouverte» depuis l'avis de la Cour internationale de justice (CIJ), a lancé hier Vuk Jeremik, ministre des Affaires étrangères de la Serbie. Il a ajouté que son pays se lançait dans une offensive diplomatique pour la contrecarrer. Jeudi, tout juste après la divulgation de l'avis de la CIJ, organe judiciaire de l'ONU, la Serbie a déclaré qu'elle ne reconnaîtrait jamais le Kosovo, qu'elle considère comme sa province méridionale. Vuk Jeremik a indiqué que la Serbie s'apprêtait à envoyer des émissaires dans 55 pays pour exposer le point de vue de Belgrade. Au total, 69 pays, dont les États-Unis et le Canada, ont reconnu jusqu'ici l'indépendance du Kosovo. La Russie ne la reconnaît toujours pas, ainsi que l'Espagne, qui demeure muette sur la question depuis l'avis juridique de la CIJ.