Avec la cascade des scandales, la suspicion est désormais épidémique. Deux Québécois sur trois pensent que leurs élus municipaux ont des choses à se reprocher. Et les trois quarts des Québécois estiment que leur province est corrompue.

Mais il ne se trouve qu'une personne sur cinq qui pense, avec le magazine Maclean's, que c'est pire ici qu'ailleurs.

 

 

 

Opinion publique Angus Reid présente un tableau étonnant de la perception que les Québécois ont d'eux-mêmes en cette période où la corruption et le crime organisé font quotidiennement les manchettes.

Dans son enquête menée jeudi et hier auprès de 802 internautes, le sondeur observe que 75% des gens croient que «le Québec est une province corrompue», 21% seulement sont d'avis contraire. Chez les anglophones, les électeurs péquistes et les détenteurs de diplôme universitaire, cette proportion grimpe à 80%.

Le sondage, il faut le dire, tombe à point nommé. Cette semaine, les manchettes ont été monopolisées par les hommes publics en difficulté, emportés par une tourmente sur les questions éthiques. Jacques Duchesneau s'est retiré temporairement de son poste d'enquêteur en chef sur la collusion entre les entrepreneurs, Marc Gascon, maire de Saint-Jérôme, a démissionné de son poste de président de l'Union des municipalités et Gilles Vaillancourt, maire de Laval, s'est retrouvé sur la sellette après que la Sûreté du Québec eut entrepris une enquête sur une tentative de corruption.

Angus a aussi isolé les répondants des villes concernées par les allégations d'irrégularités de la part des élus, Mascouche, Terrebonne, Saint-Jérôme et bien sûr Laval et Montréal: 78% des gens voient la corruption régner au Québec. La semaine dernière, les maires de Terrebonne et de Mascouche ont aussi quitté temporairement leurs fonctions le temps que des enquêtes tirent leurs agissements au clair.

En revanche, seulement 22% des gens pensent que la corruption est pire ici qu'ailleurs, comme l'a soutenu le magazine Maclean's le mois dernier. Pour les deux tiers des répondants (65%), la corruption est la chose la plus répandue dans le monde, mais seulement 6% des gens pensent que la situation est meilleure au Québec qu'ailleurs. «On comprend ici la fureur qu'a soulevée l'article de Maclean's», observe Jaideep Mukerji, vice-président affaire publique d'Opinion publique Angus Reid.

Les électeurs adéquistes sont les plus cyniques: 86% d'entre eux jugent l'administration corrompue.

Deux Québécois sur trois ont des doutes quand ils rencontrent leurs élus municipaux. Quand on leur demande si, avec la controverse des derniers jours, ils croient que «des élus de (leur) municipalité ont quelque chose à se reprocher», 62% des gens répondent oui. Dans les villes qui ont connu des problèmes, la proportion grimpe à 82%.

Selon Jaideep Mukerji, «les Québécois veulent massivement une enquête publique sur l'industrie de la construction». Ainsi, pas moins de 81% des gens estiment qu'il devrait y avoir une enquête publique sur les liens entre l'industrie de la construction et le crime organisé, même si, encore cette semaine, le gouvernement Charest a carrément repoussé cette avenue. Dans les municipalités qui ont eu des problèmes d'intégrité, ce chiffre grimpe à 84%. Seulement 10% des gens jugent cette enquête inutile.

Angus Reid a aussi voulu circonscrire la source des inquiétudes de la population devant la multiplication des allégations de malversation et de trafic d'influence des derniers jours. Quand on demande quelle est la plus importante «conséquence» pour le Québec de la longue liste d'allégations des derniers mois, les Québécois sont partagés, mais pensent d'abord aux liens entre la mafia et la construction.

Surprise, la corruption au niveau municipal n'est pas la première source d'inquiétude - seulement 6% des gens pensent que c'est le plus sérieux problème.

Le point de friction est ailleurs: 37% des répondants estiment que ce sont «les liens entre le crime organisé et l'industrie de la construction» qu'il faut mettre en lumière. «Les gens n'ont pas une bonne image des politiciens municipaux, mais ce n'est pas prioritaire pour eux», constate l'analyste d'Angus Reid.

En second lieu, pour 24% des répondants, il convient de dévoiler les liens entre «le gouvernement et les grandes entreprises». La question du financement des partis politiques n'est pas au coeur des préoccupations des Québécois - seulement 17% y voient un problème récurrent. Finalement, les crimes économiques et les fraudes des conseillers en investissement sont bien loin dans la liste des sujets de préoccupation. Ils touchent seulement 4% des Québécois.