Le ministère de la Défense - longtemps l'enfant chéri des conservateurs - n'échappera pas aux compressions que veut imposer le gouvernement Harper aux dépenses de l'État afin d'éliminer le déficit au cours des trois prochaines années.

La cure minceur pourrait entraîner l'élimination de milliers de postes jugés non essentiels au siège social du ministère à Ottawa, si l'on se fie à un rapport préparé par le lieutenant-général Andrew Leslie et qui a fait l'objet d'une fuite dans le quotidien torontois The Globe and Mail, hier.

Le lieutenant-général Leslie a été le chef d'état-major de l'armée de terre des Forces canadiennes et a été commandant des opérations canadiennes en Afghanistan. L'an dernier, il a été mandaté par le gouvernement Harper pour produire un plan détaillé de réorganisation des Forces canadiennes. Son rapport a été remis au ministre de la Défense, Peter MacKay, en juillet.

Au final: 43 recommandations

Dans son rapport, qui comporte 43 recommandations, il suggère au gouvernement Harper l'abolition ou la réaffectation de 11 000 postes au sein de la Défense nationale. Ce ministère emploie 145 000 personnes, dont 68 000 sont des membres des Forces canadiennes.

«Nous sommes sérieux au sujet de notre avenir - et nous devons l'être -, nous devons accepter des changements importants qui nous permettront de réaffecter des milliers de personnes et de réallouer des milliards de dollars», affirme le lieutenant-général Andrew Leslie.

Entre autres choses, il propose de redéployer ou éliminer 3500 postes des forces armées qui sont jugés superflus; éliminer 3500 postes de fonctionnaires au sein du ministère de la Défense à Ottawa; réduire de moitié le nombre de réservistes à temps plein pour le porter à 4500; diminuer de 30% la somme annuelle de 2,7 milliards que dépense le Ministère pour embaucher des consultants ou obtenir des services du secteur privé; et éliminer tous les dédoublements au sein du Ministère.

Selon le lieutenant-général Leslie, ces mesures permettront de réduire la bureaucratie au sein de la Défense nationale qui parfois mine l'efficacité des Forces canadiennes tout en entraînant des économies annuelles d'un milliard de dollars si elles sont mises en oeuvre.

Réduction des dépenses

La divulgation de ce rapport survient alors que le gouvernement Harper exige de tous les ministères des réductions de dépenses d'au moins 5% afin de venir à bout du déficit annuel - actuellement de 32,3 milliards de dollars - d'ici 2014-2015.

Jay Paxton, un proche collaborateur du ministre Peter MacKay, a indiqué à La Presse hier que le rapport du lieutenant-général ferait partie de l'examen des dépenses.

«Le gouvernement va passer au peigne fin toutes les dépenses pour identifier les économies qui peuvent être faites pour éliminer le déficit. Cela comprend aussi le ministère de la Défense. (...) Le Ministère va se servir du rapport en question et d'autres outils à sa disposition pour mieux cibler ses dépenses et faire des Forces la meilleure organisation possible», a affirmé M. Paxton dans un courriel.

Le colonel à la retraite Michel Drapeau a applaudi les conclusions du rapport Leslie, estimant qu'il y a longtemps que le ministère de la Défense aurait dû faire l'objet d'une cure de minceur.

Il a fait valoir que le quartier général de la Défense compte environ 20 000 employés pour une armée de 68 000 soldats alors que le Pentagone emploie 23 000 personnes pour une armée de 1,5 million d'hommes.

«Cela n'a aucun sens. Le lieutenant-général Leslie a absolument raison. Le quartier général de la Défense est devenu une immense bureaucratie», a-t-il dit.

Durant la lutte contre le déficit dans les années 90, les libéraux ont réduit de manière draconienne le budget de la Défense. Mais au cours de la dernière décennie, le Ministère a vu son budget augmenter de manière substantielle. Aujourd'hui, il frise 18 milliards de dollars par année. Le gouvernement Harper a aussi annoncé des investissements de plusieurs milliards de dollars dans l'achat de nouveaux équipements militaires depuis son arrivée au pouvoir.