Même si le PQ dit «analyser» la possibilité d'une alliance avec Québec solidaire, les ponts semblent brûlés. «Je ne pense pas que ce soit praticable, à en juger par la façon dont le PQ se comporte», a indiqué M. Khadir en interview à La Presse. Il affirme même que le PQ ne réussira pas à faire la souveraineté.

Mercredi matin au caucus de pré-session du PQ à Joliette, Nicolas Girard a affirmé que «M. Khadir (avait) dû approcher la moitié du caucus du PQ» l'automne dernier pour parler d'un pacte électoral.

«C'est complètement faux», a rectifié M. Khadir. Ce sont plutôt deux péquistes qui l'ont eux-mêmes approché, dont Stéphane Bergeron.

Le député solidaire dit que le PQ n'est pas son principal adversaire. «Notre adversaire, c'est le 1%, la classe économique dominante qui tire les ficelles, ne paye pas d'impôts et détruit l'environnement», a-t-il lancé. Mais il a néanmoins prononcé des mots très durs contre le parti de Pauline Marois.

Le PQ ne réussira pas à réaliser la souveraineté selon lui.  «Ils ont eu 40 ans pour la faire et ils n'ont pas réussi. Le seul parti capable est Québec solidaire», croit-il. Son parti récolte 11% des intentions de vote selon notre dernier sondage CROP, publié mardi dernier. «Mais l'électorat est plus difficile à prédire qu'on ne le pense», a-t-il lancé, en référence à la vague néo-démocrate au printemps dernier.

Pour réaliser la souveraineté, il faudrait élire une assemblée constituante qui décidera de l'avenir constitutionnel du Québec. «C'est ce que proposait le PQ avant de prendre le pouvoir en 1976, dit M. Khadir. On n'a pas besoin d'ajouter des conditions provisoires ou d'utiliser un calendrier opportuniste», dit-il.

Maraudage solidaire

M. Khadir a toutefois admis qu'il a approché trois péquistes cet automne pour les inviter à se joindre aux solidaires. «C'était parce que ces gens me semblaient partager nos idées et nos valeurs», a-t-il expliqué. Selon nos informations, deux de ces députés seraient Stéphane Bergeron et Sylvain Pagé, auteur d'un manifeste sur la politique autrement. Tous ont refusé.

Bataille dans Gouin

M. Girard doit affronter à nouveau Françoise David aux prochaines élections dans la circonscription de Gouin. «Bien des électeurs se demandent pourquoi deux personnalités souverainistes et progressistes s'y affrontent (...). Ils trouvent cela contre-productif», dit-il.

Il a affirmé que la chicane était prise à Québec solidaire au sujet des alliances. M. Khadir serait selon lui favorable, et Mme David s'y opposerait. «C'est complètement faux, a réagi M. Khadir. On pense la même chose.» Il concède toutefois que les différences de «style» entre Mme David et lui peuvent «créer des tensions». «Et c'est normal, ça fait partie de la vie. On ne s'en cache pas, on fait de la politique transparente», affirme-t-il.

Au PQ de bouger

À sa demande, Jean-François Lisée  obtenait l'automne dernier de Pauline Marois le mandat d'agir à titre d'émissaire auprès de Françoise David et Amir Khadir. Il devait sonder leur intérêt pour des alliances. La rencontre s'est déroulée en novembre, le même mois où Mme David a fait son investiture dans Gouin.

La semaine dernière, Mme David a raconté que ses membres s'opposaient aux alliances. Mais, elle s'était malgré tout engagée à leur soumettre toute proposition officielle. Il n'y en a jamais eu. Mme Marois a dit être présentement «en analyse».

«C'est au PQ de faire de premier pas, de nous présenter une proposition», a lancé M. Khadir mercredi.

La position de QS n'a pas changé, assure-t-il. Il voit «deux grandes embuches à une alliance. La première: l'opposition des membres. Et la seconde: les récents débats sur les transfuges comme François Rebello et Lise St-Denis. «On ne veut pas donner l'impression qu'on fait des pactes pour protéger les carrières des gens. Nous, si on fait des alliances, c'est pour contourner les distorsions de notre mode de scrutin uninominal à un tour.»

Péquistes divisés

Plusieurs députés péquistes ignoraient encore la semaine dernière la démarche exploratoire de M. Lisée. La question des alliances divise le caucus péquiste. Bernard Drainville et Stéphane Bergeron y sont notamment favorables. C'est aussi le cas de deux membres de l'exécutif national.  Des fidèles de Mme Marois s'y opposent toutefois, comme Yves-François Blanchet et Sylvain Gaudreault. Ils craignent que cela ne profite à la CAQ, en rebutant les souverainistes moins à gauche.

Une autre proche de Mme Marois, Marie Malavoy, a partagé ses réserves mercredi. «(Les alliances), ce n'est pas quelque chose qu'on doit faire sans y réfléchir, parce que c'est risqué. Je suis plutôt de l'école de la prudence», a-t-elle avancé.

Malgré ses critiques, M. Girard se dit d'accord avec «le principe» d'une alliance. Il a donné l'exemple de Laurier-Dorion, dans Parc-Extension. Le PQ a perdu par environ 1500 puis 2000 votes aux dernières élections, en 2007 et 2008. «Si on n'avait pas eu un candidat de QS et un autre du PQ, les souverainistes auraient pu ravir la circonscription à un député libéral», a estimé M. Girard. Une telle élection permettrait aux prochaines élections de profiter encore plus de «la division du vote fédéraliste» entre le PLQ et la CAQ.

Curzi souhaite un pacte

Mercredi après-midi, le député souverainiste indépendant Pierre Curzi prononçait une allocution devant des étudiants à l'Université de Montréal, en marge de laquelle il a plaidé pour une alliance entre tous les partis souverainistes.

«Je souhaite un pacte électoral stratégique, et je souhaite même qu'on aille encore plus loin, en ayant un accord sur un certain nombre de sujets», a-t-il expliqué à La Presse.

Même s'il a quitté le parti au printemps, il répète ne pas être «anti-PQ» et ne souhaiterait pas affronter un adversaire péquiste dans son comté de Borduas aux prochaines élections. «Je vais parler au Parti québécois avant d'annoncer mes couleurs», assure-t-il.

«S'il n'y a pas d'alliance, alors [les autres partis souverainistes] pourraient présenter quelqu'un contre moi. Ça va devenir compliqué», croit-il.

- Avec la collaboration de Vincent Larouche