Pour obtenir un permis d'enseigner au Québec, un nombre croissant de professeurs vont étudier en... Ontario. Le ministère de l'Éducation du Québec a donné 357 permis et brevets à des enseignants formés dans la province voisine l'an dernier, selon ce qu'a appris La Presse. C'est deux fois plus qu'en 2001. Au total, près de 2000 profs formés en Ontario sont venus enseigner ici depuis le début du millénaire.

L'avantage? En Ontario, si on a déjà un baccalauréat ou une maîtrise, il suffit de faire un an de pédagogie pour pouvoir enseigner. Au Québec, même si on est diplômé, il faut refaire un baccalauréat en enseignement ou une maîtrise, ce qui prend plusieurs années.

 

À l'Université d'Ottawa, «30% des étudiants du Programme de formation en enseignement sont des Québécois», un taux en hausse depuis quelques années, selon sa directrice, Claire Maltais. La formation de huit mois, qui comprend deux stages, «est exigeante et de qualité», assure-t-elle.

Or, les universités québécoises n'offrent plus de programme d'un an depuis 1995 parce qu'elles jugent que c'est trop court pour former un bon enseignant. «Les deux formations se valent, répond Mme Maltais. Une personne qui a fait de la suppléance et qui a un bac en physique, en maths ou peu importe, a déjà un bagage d'expériences. Je ne suis pas sûre qu'en lui offrant de faire quatre années supplémentaires d'université, elle sera davantage qualifiée.»

L'Université Laurentienne, de Sudbury, forme aussi des enseignants francophones en Ontario. Grâce à des ententes de réciprocité entre les provinces, les diplômes obtenus ailleurs sont ensuite reconnus ici.

Le MELS suggère d'aller en Ontario

Marie-Claude Monette, enseignante dans un collège privé de Montréal, a dû s'exiler en Ontario l'an dernier. «J'avais déjà un bac et une maîtrise en histoire, en plus d'un certificat en enseignement postsecondaire, mais ça ne comptait pas aux yeux du ministère de l'Éducation du Québec», raconte-t-elle.

Inquiète pour son avenir - elle travaillait sans permis -, elle s'est résignée à quitter son poste pour aller à Ottawa. «Je ne le regrette pas parce que c'est un très bon programme, dit-elle. Mais j'ai une dette de 8000$ que je dois rembourser. Il faudrait vraiment que cette formation soit offerte au Québec.»

Au ministère de l'Éducation du Québec (MELS), on suggère carrément à certains profs sans permis de se tourner vers l'Ontario, selon des courriels obtenus par La Presse.

Sébastien Roy, prof sans permis aussi titulaire d'un bac et d'une maîtrise en histoire, compte le faire l'an prochain. «Cette année, je n'ai pas été en mesure de trouver un poste d'enseignant, car les écoles semblent plus frileuses à l'idée de demander les tolérances pour engager un prof sans permis», témoigne-t-il. Cela le forcera à s'endetter, à laisser sa femme seule dans leur maison d'Otterburn Park et à reporter leur projet d'avoir un enfant.

«Parce que c'est limitrophe»

«C'est parce que c'est une province limitrophe» que plusieurs professeurs sont formés en Ontario avant de venir enseigner au Québec, selon Stéphanie Tremblay, porte-parole du MELS. La variété plus limitée de programmes d'enseignement offerts à l'Université du Québec en Outaouais pousse les étudiants à aller à Ottawa, a-t-elle expliqué. «Il y a aussi eu, au cours des dernières années, un surplus d'enseignants en Ontario», a-t-elle ajouté.

Au contraire, «nous avons une pénurie d'enseignants de langue française en Ontario», a indiqué Gabrielle Barkany, porte-parole de l'Ordre des enseignants de l'Ontario. Les surplus sont du côté des profs anglophones, ce qui en pousse peut-être un certain nombre à venir tenter leur chance au Québec.