Victoire pour les femmes, victoire pour les syndicats, victoire pour les familles: la décision du gouvernement Charest de ne plus s'opposer à la syndicalisation de 25 000 travailleuses a soulevé un fort vent d'enthousiasme hier.

«Je suis tellement contente, j'ai encore du mal à croire que c'est vrai», s'est exclamée hier Diane Provost, responsable d'un service de garde en milieu familial de Montréal.

La Presse a révélé hier que Québec ne contestera pas le jugement de la Cour supérieure qui a invalidé les lois 7 et 8, qui empêchaient la syndicalisation des éducatrices de garderies en milieu familial et des aides à domicile. Elles avaient été adoptées sous le bâillon par le gouvernement Charest en décembre 2003, suscitant la colère des syndicats.

«Les travailleuses vont enfin retrouver leurs droits qui étaient bafoués», s'est réjouie la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau. Comme des milliers d'autres travailleuses touchées par cette annonce, Diane Provost rêve maintenant d'une petite révolution de ses conditions de travail. À l'heure actuelle, elle n'a droit à aucun congé payé, n'est pas protégée par la Loi sur la santé et la sécurité du travail et gagne moins que le salaire minimum.

Une première requête en accréditation sera entendue le 9 décembre en Estrie. La CSQ et la CSN ont d'ores et déjà annoncé qu'elles intensifieront leurs campagnes de syndicalisation dès les prochains jours.

Le président de la CSQ, Réjean Parent, estime que Jean Charest aurait agi de façon incohérente s'il avait porté la cause en appel. «Il se targue d'être le champion de l'égalité homme-femme avec son Conseil des ministres paritaire, alors que ce jugement indique clairement que ces lois favorisaient le sexisme», a-t-il relevé. Les ministres libérales auraient effectivement pesé lourd dans cette décision.

Les syndicats croient que le climat électoral a pu jouer en leur faveur. «Cela a sûrement aidé Jean Charest à se concentrer: il a contesté des jugements rendus dans des dossiers très semblables», a noté Claudette Carbonneau.

Le premier ministre Jean Charest a toutefois rejeté cette explication, allant jusqu'à affirmer qu'il aurait préféré que sa décision soit rendue publique en d'autres circonstances. «Cela vient donner l'impression que c'est un enjeu qu'on introduit dans la campagne. Ce n'est pas du tout le cas», a-t-il dit. Légalement, Québec avait jusqu'à la fin du mois de novembre pour interjeter appel.

Le Parti québécois et Québec solidaire, qui avaient donné leur appui aux travailleuses, ont approuvé la décision de M. Charest. Seul Mario Dumont, hier, a déploré ce dénouement, évoquant une «défaite pour les parents». «Je ne pense pas que la syndicalisation soit une bonne chose», a déclaré le chef adéquiste.

Jean Charest a refusé de se prononcer sur les dépenses importantes que la syndicalisation potentielle de ces 25 000 travailleuses pourrait entraîner. Le chiffre d'un milliard de dollars a déjà été évoqué. «À partir du moment où l'État détermine qu'il veut offrir un service de garde, c'est la moindre des choses d'assurer des conditions de vie décentes aux travailleuses», a indiqué Réjean Parent.

Avec Malorie Beauchemin Et Martin Croteau