À la garderie Les Jardins d'Émilie, à Vaudreuil, il y a des petits garçons qui ne peuvent pas jouer avec leur soeur. Dans la cour, le terrain de jeu est même séparé par une clôture.

«C'est difficile à expliquer à un enfant de 2 ans: tu ne peux pas jouer avec ta soeur parce que tu n'as pas le droit», se désole Nicole Pépin, membre du comité de parents de la garderie.

Le problème: la garderie des Jardins d'Émilie a 52 places subventionnées à 7$ et 38 places qui ne le sont pas, à 32$. «Nous avons deux installations dans le même immeuble», résume la directrice générale, Zineb Mouhtam.

Les fonctionnaires du ministère de la Famille exigent que les deux «groupes» ne se côtoient pas. Chacun a son étage et sa moitié de terrain à l'extérieur. Une dizaine de parents ont des enfants «séparés», qui s'embrassent parfois à travers la clôture. Jusqu'à tout récemment, ils devaient même ressortir pour aller chercher leur deuxième petit. L'hiver, c'était l'enfer, souligne Mme Pépin.

C'est sans parler de la différence de coûts: 35$ par semaine, contre 140$...

Incompréhension

Valérie Manière a une fille et un garçon de 2 et 4 ans. «La première journée que j'ai amené ma fille, elle a vu son frère dehors et elle a essayé de passer par-dessus la clôture. Pour une mère, ça brise le coeur.»

Les deux filles de Nicole Pépin ne comprennent pas plus pourquoi elles ne peuvent pas jouer ensemble à la garderie. Leur mère a beau évoquer l'argument de l'âge, les fillettes ne sont pas capables de se faire une raison. «Cela n'a pas de bon sens! lance Mme Pépin. Ça ne favorise pas la communication et l'attachement entre les enfants.»

La semaine dernière, les enfants des deux «groupes» n'ont pu être ensemble lors du carnaval d'hiver. «Ils mangent la même chose, ils jouent au même jeu, mais ils ne se côtoient pas. C'est injuste envers les enfants», renchérit Mme Mouhtam.

La directrice générale doit également accomplir le double de tâches administratives. Elle a deux horaires à gérer, deux états financiers à préparer, deux comités de parents à rencontrer, etc.

«Il y a beaucoup de garderies qui attendent des places, mais nous sommes un cas spécial», indique Mme Mouhtam. Selon elle, sa garderie «est la seule dans cette situation».

Priorité aux nouvelles places

La garderie Les Jardins d'Émilie est divisée en deux depuis avril 2004. Avant son ouverture, en 2002, la propriétaire de l'époque avait demandé un permis de 80 places subventionnées. Le ministère de la Famille a refusé, mais elle a décidé de construire la garderie et de se battre par la suite.

Quatre ans plus tard, 52 places ont finalement eu droit à la subvention de 28$ par jour. La raison? Ces 52 places devaient être attribuées à une autre garderie de Vaudreuil, qui n'avait pas modifié ses installations selon les règles.

La garderie Les Jardins d'Émilie a demandé plusieurs fois au Ministère de subventionner les autres places. Chaque fois, la réponse a été négative. «Le gouvernement a décidé de donner la priorité à la création de nouvelles places, indique Isabelle Mercille, porte-parole de Tony Tomassi, ministre de la Famille. Mais les parents qui paient 32$ par jour ont accès au programme de crédit d'impôt, qui a été bonifié. Il n'y a personne de perdant.»

Et pourquoi les enfants sont-ils séparés? Car la garderie a un permis de 52 places subventionnées et un autre de 38 qui ne le sont pas, ce qui fait 90 places. «Il y a une règle de sécurité. Le maximum est de 80 places», justifie l'attachée de presse.

Selon la direction des Jardins d'Émilie, jamais le Ministère ne lui a suggéré d'avoir moins de 80 enfants. La garderie a même toujours demandé au Ministère de subventionner seulement 28 places, car les garderies subventionnées doivent toutes avoir un maximum de 80 places. «Les 38 places n'ont jamais été complètes. À l'heure actuelle, nous avons une vingtaine d'enfants non subventionnés», indique la directrice générale, Zineb Mouhtam.

Ne parlez pas à Mme Mouhtam de fermer ces places. «L'immeuble a été conçu pour 80 places. C'est sans parler de ma liste d'attente...» Elle souligne également que deux garderies familiales subventionnées ont fermé récemment à Vaudreuil, ce qui a libéré 18 places.