Les 150 enfants du groupe religieux La Mission de l'Esprit-Saint, de Joliette, ne vont pas à l'école comme tout le monde. En 2007, la Cour supérieure du Québec a fait fermer l'école illégale qu'ils fréquentaient, l'Institut Laflèche. Depuis, la plupart sont éduqués par leurs parents ou se regroupent clandestinement dans des maisons privées. Certains continuent même d'aller à l'Institut Laflèche pour des activités dites «parascolaires», a constaté La Presse. Les membres de la Mission croient que la Terre n'est pas ronde et que le soleil est le reflet du feu de l'enfer.

L'Institut Laflèche, une école illégale appartenant au groupe religieux La Mission de l'Esprit-Saint de Saint-Paul-de-Joliette, a été fermée par une ordonnance de la Cour supérieure du Québec en juin 2007. Elle semble toutefois toujours fréquentée, a constaté La Presse en se rendant au bâtiment qui abrite l'Institut Laflèche.

Trois fillettes, vêtues d'uniformes sur lesquels était brodée l'inscription «Institut Laflèche», nous ont répondu. Nous y avons vu plusieurs autres enfants, soit devant l'école, soit à l'intérieur, en attendant qu'un adulte vienne nous parler. Questionnée sur la présence de jeunes alors que l'Institut doit être fermé, une dame aux cheveux blancs a sèchement répondu: «C'est le cours de chant», avant de nous ordonner de partir. «C'est privé, ici», a-t-elle dit. Il était 9h50 en matinée, un jour d'école.

La Presse a également téléphoné à la Mission, hier. Leur porte-parole a refusé de nous parler.

Les membres de la Mission de l'Esprit-Saint de Joliette vénèrent leur fondateur, Eugène Richer dit La Flèche, qu'ils considèrent comme étant l'Esprit-Saint. Ce policier montréalais mort en 1925 est, selon eux, la troisième personne de la Sainte-Trinité, avec Jéhovah et Jésus-Christ. Ses fidèles croient que la Terre est plate ou en forme de poire et que le Soleil serait le reflet du feu de l'enfer. Ils sont encouragés à se marier jeune, à faire beaucoup d'enfants et à avoir «horreur du monde» extérieur. Leur devise, inscrite sur une grande pancarte à l'entrée de leur terrain, est «La régénération de l'humanité par l'eugénisme».

Leur école illégale, qui a fonctionné pendant une trentaine d'années, accueillait 150 élèves au moment de sa fermeture (d'abord par injonction interlocutoire, en 2004). Depuis, la plupart de ces enfants n'ont pas été inscrits dans des écoles régulières. Ils sont éduqués par leurs parents ou se regroupent dans des maisons privées.

Aucune visite du ministère de l'Éducation cette année

Le 4 juin 2007, la Cour supérieure du Québec a été claire. Elle a émis une «ordonnance d'injonction finale et permanente» enjoignant l'Institut Laflèche et ses employés (rémunérés ou bénévoles) de s'abstenir de dispenser des services éducatifs à l'Institut ou ailleurs. Des activités parascolaires (culturelles, sportives, musicales et religieuses) peuvent toutefois se dérouler à l'Institut.

C'est au ministère de l'Éducation que revient la tâche de vérifier l'application de la décision de la Cour. Dès le 26 septembre 2007, le Ministère s'est rendu sur place et y a vu «une quarantaine d'enfants qui entraient et sortaient de l'édifice, certains avec un étui de musique», indique un document obtenu par La Presse grâce à la Loi d'accès à l'information. Quatre autres visites du Ministère ont suivi. Une seule a permis de voir des jeunes (cinq). La dernière a eu lieu le 10 juin 2008 ; rien n'a été fait cette année.

Malgré la présence d'enfants, le Ministère n'a pas sévi. «Nos observations nous ont permis de constater qu'il n'y avait plus de services éducatifs qui étaient dispensés, a dit lundi Stéphanie Tremblay, porte-parole du Ministère. Par contre, ce qu'on m'indiquait, c'est qu'il est possible qu'il y ait des activités parascolaires.» En matinée, la semaine, il est permis de faire du parascolaire.

«L'institut La Flèche est fermer (sic) depuis plusieurs années», nous a écrit par courriel, en soirée hier, Gary Baribault, un adepte de la Mission, disant parler également au nom du chef, Gilles Francoeur. «Le mercredi nous avons un cours de musique et de chant à la salle, qui est permis avec l'entente que nous avons avec le gouvernement, a-t-il indiqué. Nous avons ce cours toutes les semaines, mais l'école se fait à la maison pour chaque famille de la Mission.»

Les examens annuels ne sont plus obligatoires

Le gros hic, c'est que même si l'école est obligatoire jusqu'à 16 ans au Québec, la Loi sur l'instruction publique permet d'obtenir une dispense pour éduquer un enfant à la maison. Il faut toutefois que le jeune reçoive un enseignement équivalent à ce qui est dispensé à l'école, «d'après une évaluation faite par la commission scolaire», précise la loi.

En 2006, les résultats des 200 élèves éduqués à la maison évalués par la commission scolaire des Samares (CSDS) étaient désastreux, selon Radio-Canada. En maths, leur taux de réussite était de 59% au primaire, mais chutait à 27% au secondaire. En lecture, il était de 61% au primaire, mais de 48% en français au secondaire. On estimait alors que les trois quarts de ces élèves étaient membres de la Mission.

Fait troublant, La Presse a appris que la commission scolaire n'oblige plus les enfants scolarisés à la maison à passer des examens. «Ce n'est plus les mêmes exigences, a dit Marie-Élène Laperrière, porte-parole de la CSDS. Ils ont la possibilité de faire les examens ou de faire évaluer le portfolio. Il y a deux possibilités.» Le portfolio est un dossier illustrant la progression de l'enfant, avec des exemples de tests, de dictées et de «situations d'apprentissage». Cette année, 230 élèves scolarisés à domicile sont inscrits à la CSDS.