Une maison blanche de Crabtree, près de Joliette, cache une école clandestine, fréquentée par une dizaine d'adolescents de la Mission de l'Esprit-Saint. La Presse a pu visiter cette école où les jeunes travaillent en autodidactes, sans ordinateur ni laboratoire de sciences.

C'est à l'étage de la maison, sous le toit, que quatre petites pièces ont été transformées en miniclasses, avec pupitres et bibliothèques. «J'aime ça venir ici, parce qu'on peut avancer plus vite, a témoigné Richaire, une adolescente de 17 ans, qui faisait des maths. Ça va mieux, on a de meilleurs résultats.» Est-elle déjà allée à l'école publique? «Non, mais ma soeur y va présentement», a-t-elle répondu. Dix autres élèves du secondaire étudiaient dans la maison, sous la supervision de deux jeunes en âge d'aller au cégep.

 

Cette école sans permis a été inspectée par les enquêteurs du ministère de l'Éducation (MELS) en juin dernier, qui ont constaté qu'elle contrevient à la loi. «Plusieurs de ces jeunes fréquentaient auparavant l'Institut Laflèche», ont-ils écrit dans leur compte rendu obtenu grâce à la Loi d'accès à l'information. «Tous sont membres de la Mission de l'Esprit-Saint», ont-ils ajouté. Ils n'ont pas fait fermer l'école.

L'école existe depuis quatre ans

La propriétaire de l'école, Lise Racette, a dit à La Presse qu'elle n'avait pas demandé de permis parce qu'elle ne pensait pas en avoir besoin. «Ici, c'est familial», a-t-elle expliqué.

C'est après avoir enseigné elle-même à ses quatre enfants, «avec de bons résultats» dit-elle, que la dame a voulu en aider d'autres, il y a quatre ans. Tous les jeunes sont officiellement scolarisés à la maison, par leurs propres parents. Ils sont enregistrés comme tels à la commission scolaire des Samares, même s'ils fréquentent une école clandestine.

Le Ministère «m'a donné un an pour me mettre aux normes», a indiqué Mme Racette, qui nous a reçus avec beaucoup d'ouverture. Elle doit embaucher un enseignant certifié, prendre une assurance, etc. «La rédaction de la demande de permis est en cours, mais n'a pas encore été transmise au Ministère», a fait savoir Stéphanie Tremblay, porte-parole du MELS.

Mme Racette a nié faire partie de la Mission. «Pas depuis 25 ans, a-t-elle dit. J'ai été déçue de comment on s'occupait des enfants, j'ai pas resté. J'ai quand même continué le principe, la base était bonne.»

Trop de tentations à l'école publique

Quant à savoir si les jeunes de son école sont de la Mission, «y'en a que oui, y'en a que non, ça ne me regarde pas», a-t-elle souligné. Si ces élèves ne fréquentent pas les écoles légales, «c'est parce qu'on veut leur éviter de mauvais engrenages, a-t-elle dit. La tentation est forte pour nos jeunes, chez nous ils sont plus encadrés».

«La polyvalente, je ne crois pas à ça, a précisé Mme Racette. Ils ne peuvent pas surveiller tous les jeunes.» Les parents paient 100$ par mois pour envoyer leur enfant chez elle, selon le Ministère.

La mère de famille a admis ne pas donner le cours d'Éthique et culture religieuse, qu'elle a appelé erronément «le cours d'ethnies». «Il nous reste à rentrer ce cours-là», a-t-elle dit.

De nombreuses autres écoles clandestines existeraient dans les environs. «Moi je le fais, il y en a plusieurs autres aussi, a affirmé Mme Racette. Et comme n'importe quoi quand tu commences, ce n'est pas facile.»