La semaine dernière, les étudiants de Cynthia Nelson ont subi leurs examens du ministère. L'épreuve a été difficile. Certains d'entre eux pleuraient devant leurs copies. La jeune Haïtienne de 33 ans enseigne le français et l'éducation physique à une dizaine de garçons dans les deux classes spéciales pour troubles de comportement de l'école Calixa-Lavallée, une polyvalente située au coeur du quartier difficile de Montréal-Nord.

Les élèves de Cynthia, même s'ils ont quatorze ou quinze ans, sont parfois de niveau fin du primaire. Leurs difficultés à l'école ont commencé dès la maternelle. Au début de l'année, la jeune prof a entre douze et quatorze élèves. En juin, il en reste moins d'une dizaine. Certains ont décroché. D'autres ont été transférés dans des écoles spéciales.

Mais Cynthia Nelson et l'équipe de Calixa-Lavallée, deux autres professeurs, un éducateur et un psycho-éducateur, refusent de baisser les bras. «J'ai toujours espoir pour ces jeunes-là. Je n'ai jamais pensé à laisser tomber», dit-elle.

Cynthia enseigne depuis huit ans dans ces classes, où la vie n'est pas de tout repos. Elle fait face à des jeunes hyperactifs, explosifs, affligés de troubles de santé mentale, pour qui les notions de politesse et de respect sont souvent des inconnues. «T'es pas une vraie Noire. T'es une fausse Blanche», lui a déjà dit un jeune parce qu'elle a été élevée dans un quartier tranquille de Laval. «Pour eux, les Noirs, c'est ceux qui restent dans le ghetto, qui ne réussissent pas. Quel modèle ont-ils à la maison pour dire ça?», dit-elle.

Dans sa classe, il y a un jeu de baby-foot. Apprendre à jouer a fait partie de son travail, puisque les parties sont une récompense que les élèves doivent mériter. Sur une table, il y a des livres, dont certains ont été écrits pour des enfants beaucoup plus petits. La lecture est une tâche titanesque pour plusieurs élèves, trop agités pour se concentrer. «Je pense qu'on devrait avoir un trophée pour patience», rigole-t-elle.

Lui arrive-t-il d'avoir peur? «C'est très rare qu'un élève va frapper un prof. Mais il faut que les mettes de ton bord. Et pour ça, il faut entrer en relation avec eux». Un défi quotidien, un Himalaya à gravir en dix mois.

Parfois, ça ne fonctionne pas. «Certains jeunes sont super-intelligents. Il leur manque juste un petit quelque chose pour fonctionner. Quand on leur dit : tu changes d'école, c'est crève-coeur.»

Mais parfois, ça marche. Cynthia a vu plusieurs de ses élèves réintégrer les classes régulières de la polyvalente. «C'est ça que j'aime. Je me sens significative dans leur vie.»