«Il est bien vrai que certains jeunes passent du primaire au secondaire sans avoir les acquis nécessaires, indique Nadia Desbiens, professeure à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal. Mais il en a toujours été ainsi.»

Le redoublement, qui «ne permet pas de rattraper le retard ni de vivre du succès dans le cheminement scolaire», n'est pas une solution, selon elle. Mme Desbiens propose plutôt «des changements importants tant dans l'organisation des services que dans les pratiques d'intervention, qui reposent entre autres sur un meilleur arrimage et une continuité entre le primaire et le secondaire».En collaboration avec les cinq commissions scolaires de l'île de Montréal et le ministère de l'Éducation, la professeure met au point un programme de formation continue du personnel scolaire portant précisément sur ce passage. Le programme «Soutien à la transition du primaire vers le secondaire des élèves ayant des besoins particuliers» doit «débuter au cours de la prochaine année scolaire», a-t-elle précisé.

Excès de promotion automatique, selon un expert

Égide Royer, de la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval, convient de l'inefficacité du redoublement. «Mais on est tombés dans l'autre excès, en faisant quasiment une religion de la promotion automatique, dénonce-t-il. C'est là que le bât blesse.»

À force de faire passer des enfants en échec scolaire sans les aider, la situation est devenue difficile en première secondaire, confirme le professeur. «Présentement, des jeunes arrivent au secondaire avec des niveaux de compréhension de lecture de cinquième, de quatrième, de troisième, parfois de deuxième année du primaire», dit-il.

La situation est particulièrement critique à Montréal, puisque 30% des élèves - souvent les meilleurs - vont au secondaire privé et que bien d'autres s'inscrivent dans les programmes élitistes du public. Conséquence: le secteur régulier se retrouve avec une forte concentration d'élèves en difficulté. «La situation est en train d'empirer» estime M. Royer.

La solution: se concentrer sur la lecture

Que faire? «Il faut intervenir de manière très précoce et puissante dès qu'on s'aperçoit qu'un jeune commence à développer un retard au primaire», conseille-t-il.

Quant aux élèves qui sont déjà en première secondaire avec de grandes lacunes, «il faut en faire des lecteurs fonctionnels le plus rapidement possible», selon l'expert. Quitte à tasser toutes les autres matières - sauf l'éducation physique - pour se concentrer sur la lecture, avec l'aide d'orthopédagogues.

Aux enseignants de sixième année du primaire, M. Royer recommande «de donner l'heure juste par rapport au niveau d'habileté en lecture des jeunes et de leurs difficultés de comportement». Bien renseignées, les écoles secondaires pourront intervenir dès la rentrée suivante. «Sinon, le jeune va commencer à développer des échecs et de l'absentéisme», prévient-il, ce qui mène tout droit au décrochage.