Prenant connaissance, jeudi, d'un don de 250 000$ d'Hydro-Québec au collège Notre-Dame, la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a demandé à la société d'État de revoir sa politique de dons et de commandites en matière d'éducation.

«Hydro-Québec doit orienter ses priorités envers les services publics, un principe qui prend toute son importance dans le contexte où il s'agit d'une société d'État», a indiqué Mme Normandeau dans un communiqué.

La Presse a indiqué jeudi qu'Hydro-Québec avait discrètement décidé de donner 250 000$ en cinq ans au collège Notre-Dame, une institution d'enseignement secondaire privé. La société d'État n'a pu donner jusqu'à maintenant aucun exemple d'un don similaire à un collège public. Le PDG d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, est aussi président du conseil d'administration du collège.

Ces révélations ont suscité un déluge de protestations, si bien que le collège a décidé de retourner à Hydro-Québec les 50 000$ reçus jusqu'à maintenant, et de ne pas toucher le reste du montant. «Compte-tenu de la controverse suscitée, le Collège Notre-Dame renonce à la contribution d'Hydro-Québec, indique l'établissement dans un communiqué. Le Collège regrette cette situation et tient à rappeler l'importance qu'il accorde à l'activité physique pour la formation des jeunes ainsi qu'à l'intégration de son projet sportif dans la communauté avoisinante, soit l'arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame de Grâce.»

Le secrétaire général du collège, Vincent Grégoire, a dit que la commandite d'Hydro visait à permettre au collège de se priver des revenus de location de ses installations pour offrir ces dernières aux organismes communautaires de l'arrondissement.

Cette explication contredit toutefois le dernier bulletin de la Fondation du collège, qui citait Hydro-Québec parmi les sociétés qui lui versaient plus de 100 000$. Les sommes reçues jusqu'à maintenant ont «permis d'entreprendre la première phase de notre développement, soit l'aménagement d'un terrain de sports synthétique... et d'une piste de course», indiquait le bulletin.

C'est la deuxième fois qu'une contribution d'Hydro-Québec à une institution d'enseignement suscite la controverse. Il y a trois ans, La Presse avait révélé que la société d'État avait versé 150 000 $ à la campagne de financement de la section de droit civil de l'Université d'Ottawa, campagne que dirigeait Marie-José Nadeau, vice-présidente exécutive d'Hydro-Québec et diplômée de cette université.

Jeudi, les protestations se sont multipliées contre la contribution au collège Notre-Dame. «La Fédération des commissions scolaires du Québec juge inacceptable que le gouvernement du Québec, par le biais de l'une de ses sociétés d'État, finance davantage le réseau privé d'éducation», a indiqué cet organisme dans un communiqué.

Tout comme les principaux syndicats d'enseignants, la Fédération rappelle que «les besoins dans le système public d'éducation sont criants» et s'étonne de voir Hydro-Québec privilégier un établissement privé.

Le député Pierre Curzi, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement primaire et secondaire, s'est dit scandalisé qu'Hydro-Québec décide de faire un don à un établissement scolaire déjà favorisé alors que «de plus en plus de parents doivent se tourner vers des organismes communautaires pour obtenir de l'aide car ils sont dans l'incapacité d'acheter des effets scolaires à leurs enfants pour la rentrée».

Le député Sylvain Gaudreault, le critique du PQ en matière d'énergie, s'est questionné sur «l'apparence de conflits d'intérêts» : «Thierry Vandal affirme qu'il était absent à la réunion du conseil d'administration lorsque la décision a été prise, très bien, a-t-il dit. Cependant, nous constatons que, pour la première fois qu'Hydro-Québec donne de l'argent à une école, la contribution est donnée justement au Collège Notre-Dame alors que M. Vandal siège au conseil d'administration du Collège.»

«Il y a une apparence de conflits d'intérêts évidente aux yeux de tous, a déclaré Éric Caire, député de l'Action démocratique du Québec. Personne n'a donné le mandat à Hydro-Québec de subventionner des écoles.»

François Taschereau, porte-parole d'Hydro-Québec, a répété jeudi que M. Vandal n'avait pas pris part à la décision. «Il ne s'est pas placé en conflit d'intérêt, a-t-il dit. Il n'a pas d'enfant au Collège Notre-Dame et n'avait aucun intérêt personnel à cette contribution, qui visait à faciliter l'activité physique chez les jeunes et l'accessibilité des installations sportives à la communauté environnante.»