Un nombre grandissant d'enseignants québécois vont acquérir leur formation en... Ontario. «L'intérêt pour notre programme augmente de plus en plus au Québec, a confirmé à La Presse Jonathan Bolduc, directeur du programme de formation à l'enseignement de l'Université d'Ottawa. Cette année, les Québécois constituent entre le quart et le tiers de nos étudiants (selon qu'ils étudient à temps plein ou à temps partiel). Il y a une petite augmentation comparativement à l'an passé.»

Au total, près de 150 (25%) des 600 étudiants du programme de l'Université d'Ottawa avaient une adresse au Québec au moment de leur demande d'admission.

L'avantage? En Ontario, si on a déjà un baccalauréat, il suffit de faire huit mois de pédagogie pour obtenir le droit d'enseigner. Au Québec, même si on est diplômé, il faut refaire un bac en enseignement ou une maîtrise, ce qui prend plusieurs années. Or, en vertu d'ententes de réciprocité entre les provinces, les diplômes obtenus en Ontario sont reconnus ici, à condition de faire quelques cours complémentaires.

Bien des Québécois en profitent - une modeste croissance de leur nombre s'observe aussi à l'Université Laurentienne, à Sudbury. Quatorze des 340 étudiants au bac en éducation étaient québécois l'an dernier, et ils ont été entre 6 et 11 au cours des cinq années précédentes, a indiqué Guylaine Tousignant, porte-parole de l'Université Laurentienne.

Hausse prévue des Québécois

Le ministère de l'Éducation du Québec (MELS) a délivré 310 permis et brevets «à des candidats venus de l'Ontario» en 2008-2009, a précisé Pierre Noël, agent d'information au MELS. C'est un peu moins que l'année précédente (357), mais deux fois plus qu'en 2001.

Et ce nombre va augmenter au cours des prochains mois, selon M. Bolduc. D'abord parce qu'une entente de mobilité de la main-d'oeuvre fera en sorte que les enseignants formés en Ontario n'auront bientôt plus à «faire quelques cours supplémentaires avant d'enseigner dans les écoles québécoises et vice-versa», a-t-il souligné. Ensuite, parce que l'Ontario accorde désormais un titre professionnel aux enseignants. «Bien des étudiants qui viennent du Québec voient là une reconnaissance de la profession qu'ils n'ont pas dans les autres provinces», a-t-il dit.

Endetté de 17 000$

Titulaire d'un bac et d'une maîtrise en histoire, Sébastien Roy a enseigné cette matière au Québec grâce à des «tolérances d'engagement» du MELS. Mais pour avoir droit au brevet, il aurait dû refaire un bac en pédagogie, d'une durée de quatre ans, ce qu'il juge excessif. Plusieurs des universités québécoises qu'il a jointes ne reconnaissent même pas ses trois ans d'expérience en enseignement pour lui créditer le stage d'observation, a-t-il dénoncé.

Solution: M. Roy est parti le 6 septembre dernier pour l'Université d'Ottawa, qui prend en compte l'expérience professionnelle des candidats. À 31 ans, il a jugé préférable d'emprunter 17 000$ et de partir huit mois en Ontario (tout en payant son hypothèque au Québec) pour avoir enfin son brevet. «À mon retour, j'espère trouver un emploi dans l'enseignement et ne plus entendre parler de brevet, de tolérance et de permis!» a-t-il souligné.

Meilleur taux d'obtention de diplômes en Ontario

Depuis 1995, les universités québécoises n'offrent plus le certificat en pédagogie (durée d'un an), qu'elles jugent insuffisant pour former un bon prof, contrairement à l'Ontario. «Les enseignants ontariens ont d'aussi bons résultats que les enseignants québécois par rapport à la réussite de leurs élèves», fait pourtant valoir M. Bolduc. C'est en dessous de la réalité: avec un taux d'obtention de diplômes du secondaire de près de 80%, l'Ontario atteint déjà l'objectif fixé par Québec pour... 2020.