La ministre Michelle Courchesne relance tout le débat autour des accommodements raisonnables, en légalisant les activités de six écoles privées juives orthodoxes.

La grogne s'amplifiait, jeudi, dans les rangs de l'opposition et des centrales syndicales, contre le projet de règlement de la ministre de l'Éducation, qui vise, officiellement, à assouplir le calendrier scolaire, ouvrant la porte à des activités pédagogiques durant le week-end.

Dans les faits, et la ministre l'a finalement reconnu, il aura aussi pour effet de régulariser la situation des écoles juives orthodoxes, où l'enseignement de la religion prime, au détriment des matières de base.

Mais qu'il s'agisse d'un objectif inavouable du gouvernement ou d'un simple effet secondaire, la décision a eu l'effet d'une bombe.

L'opposition péquiste, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE) jugent qu'en agissant de la sorte la ministre impose, en catimini et sans consultation, le retour des écoles confessionnelles.

En Chambre, la chef de l'opposition, Pauline Marois, a accueilli avec consternation les changements proposés et dénoncé le climat de confusion entretenu par Mme Courchesne dans ce dossier.

Selon elle, la ministre de l'Éducation a «induit sciemment en erreur cette Chambre sur les raisons véritables qui motivent son changement au calendrier».

Le porte-parole péquiste en éducation, Pierre Curzi, a renchéri pour considérer que le nouveau règlement rendra possible l'expression des extrémismes religieux de tout acabit dans les écoles.

Quant à lui, le président de la CSQ, Réjean Parent, trouve scandaleux le geste de la ministre. Il dit avoir eu des pressions de la part de ses membres pour exiger la démission de Mme Courchesne, qui n'inspirerait plus confiance.

«Le chat a sorti du sac», selon M. Parent, qui estime que Québec vient ainsi «d'ouvrir la porte à la reconfessionnalisation du système scolaire par la porte du privé».

Or, un geste d'une telle portée ne doit pas se «faire à la sauvette» par des «ententes secrètes», a déploré le leader syndical, en point de presse.

Grâce à ce projet, Québec choisit d'accommoder le régime pédagogique à une «faction», alors qu'il aurait dû faire le contraire, selon lui.

De son côté, la présidente de la FSE, Manon Bernard, exhorte Mme Courchesne à reculer et à retirer son règlement.

Le projet de règlement de modification au régime pédagogique a été rendu public récemment dans la Gazette officielle du Québec. Un délai de 45 jours est prévu pour les réactions.

Or il est loin d'être acquis que le milieu apportera son grain de sel d'ici là.

«On ne veut pas participer à cette fausse consultation», a tranché Mme Bernard, en point de presse.

Elle aussi considère que le réseau de l'éducation ne doit pas être dupe des intentions de Mme Courchesne.

«Elle va rendre légales les écoles juives et en même temps elle vient imposer la souplesse qu'elle demande au niveau de la négociation» (en cours des conventions collectives des employés de l'État), selon elle.

Et tout cela, «sous le faux couvert de la réussite éducative», a-t-elle ajouté.

Malgré la fronde, Mme Courchesne a persisté jeudi à soutenir, en Chambre et en point de presse, que son seul objectif consistait à «favoriser la réussite scolaire et augmenter la persévérance scolaire».

Un tel objectif suppose davantage de flexibilité dans le calendrier scolaire, par exemple pour orienter des jeunes en difficulté vers des programmes de formation professionnelle ou de stages en entreprise, qui ont lieu souvent le week-end, a-t-elle fait valoir, en point de presse.

Par ailleurs, elle s'est dite fière d'avoir enfin réglé, ce faisant, le cas des écoles privées juives illégales. «Est-ce qu'on va nous reprocher ça?», a-t-elle demandé.

Notamment, ce règlement aura de plus le mérite, a-t-elle aussi commenté, de fixer le nombre d'heures d'enseignement requises dans les matières de base: français, mathématiques, anglais et sciences.

Chose certaine, Mme Courchesne n'a aucunement l'intention de battre en retraite.