La modification aux programmes d'enseignement du secondaire à laquelle travaille actuellement le ministère de l'Éducation du Québec (MELS) soulève bien des inquiétudes dans le milieu. Selon un document de travail obtenu par La Presse, le gouvernement compte faire plus de place aux connaissances et délaisser les compétences. Mais plusieurs analystes estiment que les changements proposés ne sont qu'un leurre et entraîneront un nivellement par le bas pour les élèves.

La ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, ne s'en cache pas. Elle souhaite mettre l'acquisition des connaissances au coeur du renouveau pédagogique.

Pour opérer ce changement, la ministre a commandé des documents intitulés Progression des apprentissages, censés aider les enseignants à mieux cerner les moments où ils doivent aborder les contenus et jusqu'où ils doivent les approfondir.

Un document semblable est utilisé au primaire depuis l'an dernier. «Et il soulève beaucoup de critiques», note la présidente de l'Alliance des professeurs de Montréal, Nathalie Morel.

Le document de travail pour le secondaire, que La Presse a obtenu, ne fait pas non plus l'unanimité. Pour le programme de sciences, il précise que l'élève est appelé à définir la biodiversité, nommer les constituants d'une solution, expliquer le processus de la sélection naturelle... «On revient à l'ancienne approche par objectifs, utilisée dans les années 80», résume Diane Gauthier, du département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Chicoutimi.

Patrice Potvin, professeur et chercheur en éducation à l'Université du Québec à Montréal, croit que les verbes utilisés sont trop vagues. «Avant, on utilisait des verbes plus riches comme découvrir, résoudre, justifier... explique-t-il. Maintenant, on demande simplement de décrire, nommer... On veut faire de nos enfants des perroquets. Au secondaire, il faut pousser plus loin. Sinon, on assistera à un nivellement par le bas. Même les opposants à la réforme seront contre ce document.»

Mme Morel milite depuis longtemps pour le retour à l'enseignement des connaissances. Le document de travail du MELS ne la rassure pas : «On maquille les connaissances. On veut faire semblant de parler de connaissances !»

Mme Morel estime que les objectifs présentés dans le document de travail sont des «savoir-faire». «On reste dans un vocable de compétence», dit-elle. Mme Morel craint que le gouvernement se contente encore une fois de faire des changements cosmétiques, comme il l'a fait pour les bulletins.

«Le Ministère s'est vanté de revenir aux bulletins chiffrés. Mais c'est un leurre. On ne fait que transformer des lettres (A, B, C...) en chiffres. Si on fait la même chose avec les connaissances, ce sera de l'illusion, craint-elle. C'est dangereux. Parce que les parents et la population veulent un retour aux connaissances.»

Mme Gauthier croit quant à elle que le document permettra de contourner le renouveau pédagogique. «Mais cela cause problème parce que ce programme est toujours utilisé dans le réseau ! Le document met carrément de côté les compétences. Il y a un non-sens. La réforme n'a pas que du mauvais. Elle permet aux élèves de lier les connaissances au quotidien. Il faut faire attention à ne pas revenir au par-coeur...»

L'attachée de presse la ministre Courchesne, Tamara Davies, n'a pas voulu réagir puisque le document en cause n'est qu'un document de travail.