La Fédération des comités de parents du Québec a présenté, jeudi, un sondage montrant que 90 % des parents sont en faveur des devoirs au primaire. Mais pour la moitié d'entre eux, cela représente une source de stress importante. Du côté des spécialistes, les devoirs sont loin de faire l'unanimité - plusieurs croient qu'il serait utile de se doter de règles claires à ce sujet.

Plus de 1000 parents ont été sondés par la FCPQ. L'enquête comporte toutefois un important biais méthodologique puisque la totalité d'entre eux siègent à des comités de parents. «Ces parents sont conscientisés. Si on avait pris un échantillon plus représentatif de la population, les résultats auraient été bien différents», affirme Égide Royer, psychologue et professeur titulaire en adaptation scolaire à l'Université Laval.

Le président de la FCPQ, François Paquet, n'est pas de cet avis : «Plusieurs autres études ont montré que les parents veulent des devoirs. Seulement, ils ne veulent pas qu'ils soient trop longs ou trop complexes.»

Selon le sondage de la FCPQ, 89% des parents estiment que les devoirs leur permettent de mieux saisir la réalité scolaire de leur enfant. Mais 46% reconnaissent que cela constitue aussi une source de stress. «On aimerait que les écoles créent un guide pour aider les parents à mieux comprendre les périodes de devoirs», dit M. Paquet.

Dans un avis publié jeudi, le Conseil supérieur de l'éducation souligne que 90 % des enseignants du Québec donnent des devoirs. Sans prendre position, le Conseil soulève plusieurs questions.

Il note entre autres choses que la société québécoise a beaucoup évolué et que la conciliation travail-famille est de plus en plus complexe. «Les familles font face à de nouveaux défis d'organisation et de gestion du temps, défis rendus parfois plus complexes par la présence des devoirs», écrit le Conseil.

Roch Chouinard, vice-doyen de la faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal, le reconnaît : «Pour plusieurs familles, notamment les familles monoparentales et celles où les deux parents travaillent, il est plus difficile de superviser les devoirs. Est-ce que ça veut dire de ne plus en donner ? Non. Mais les enseignants doivent considérer que les enfants n'ont pas nécessairement de soutien à la maison.»

Bons, les devoirs?

Alors que plusieurs études ont prouvé que les devoirs améliorent les résultats scolaires au secondaire, les recherches arrivent à des conclusions plus mitigées lorsqu'il s'agit du primaire. Plusieurs parents voient dans les devoirs une façon de donner à l'enfant le sens de l'effort et de la discipline, mais peu de recherches prouvent ces bénéfices.

«Plus on passe de temps à apprendre, plus on apprend, dit M. Chouinard, mais il y a un seuil critique de devoirs à ne pas dépasser, au-delà duquel les élèves perdent leur motivation.»

Les jeunes ne sont aussi pas tous égaux devant les devoirs, soutient le Conseil supérieur de l'éducation. Les enfants dont les parents ne maîtrisent pas la langue d'enseignement ou sont peu scolarisés reçoivent moins d'aide à la maison. «Comment faire en sorte que, lorsqu'il y a des devoirs, tous les élèves puissent en tirer profit ?» demande le Conseil.

Pour M. Royer, il est clair que les devoirs ne doivent pas être une condition de réussite à l'école. «Trop de parents sont analphabètes ou incapables de comprendre les devoirs de leurs enfants, dit-il. Ces jeunes sont désavantagés.» Les enfants qui ont des difficultés d'apprentissage peuvent en outre ressentir encore plus d'aversion pour l'école si leurs devoirs sont trop difficiles, ajoute M. Royer.

Enseignante en quatrième année à l'école Carillon, à Longueuil, Geneviève Bourbeau raconte que plusieurs parents critiquent la complexité des devoirs. «On a un grand débat actuellement à savoir si on doit en donner et, si oui, lesquels.»

Dans son avis, le Conseil supérieur de l'éducation reconnaît que les parents reçoivent très peu de soutien pour les aider à superviser les devoirs. Selon le sondage de la FCPQ, une grande majorité de parents aimeraient qu'on leur donne des outils.

La majorité des parents souhaitent aussi que les écoles se dotent de règles concernant les devoirs. «Actuellement, l'offre de devoirs est anarchique. Les enseignants font ce qu'ils veulent. En se dotant d'une politique, on pourrait fixer le genre de travaux à donner, le temps à y consacrer...» explique M. Chouinard.

Pour éviter les devoirs trop complexes, M. Royer croit qu'il suffit de donner des lectures : «Lire à ses enfants ou les faire lire 20 minutes par soir, c'est ce qui fait le plus la différence au primaire.»

Un avis que partage Mme Bourbeau : «On ne peut se doter d'une politique des devoirs parce que la réalité est trop différente d'un milieu à l'autre. Mais selon moi, on ne devrait donner que de l'étude et de la lecture. Pas de devoirs.»