Tournois de hockey, voyages, cours de chant, pratiques de natation... Les enfants d'aujourd'hui ont des horaires surchargés. Conséquence: un nombre croissant d'élèves s'absentent de l'école pour des «raisons personnelles». Aucune statistique officielle n'existe sur le sujet. Mais de l'avis de plusieurs enseignants, directions d'école et commissions scolaires, l'école est devenue «une activité parmi tant d'autres» pour les familles québécoises.

Claude Pitre, qui enseigne depuis 25 ans, estime que les absences pour raisons personnelles sont de plus en plus fréquentes. «Des tournois de hockey, il y en a de plus en plus souvent», dit l'homme qui enseigne en sixième année à l'école Jolivent, de Beloeil.

En consultant le tableau des tournois de l'organisme Hockey Québec, on remarque que la majorité des compétitions, toutes catégories confondues, se déroulent en partie pendant les heures d'école.

«On apprend souvent l'absence de l'enfant à la dernière minute, dit M. Pitre. Quand ce sont des élèves aux bons résultats qui s'absentent pour du sport, ce n'est pas si mal. Mais quand on parle de cas plus difficiles, c'est compliqué. Je suis d'accord pour promouvoir l'activité physique, mais pas au détriment de l'école.»

Élizabeth Charron enseigne en sixième année à l'école des Trois-Temps à Saint-Marc-sur-Richelieu. Travaillant dans le milieu de l'éducation depuis 15 ans, elle croit aussi que plus de jeunes s'absentent de l'école aujourd'hui. «Pour les parents, l'école n'a plus la même importance, remarque-t-elle. Avant, ça passait avant tout. Maintenant, le sport est plus important.»

Mme Charron raconte qu'un élève de son école a refusé récemment d'apporter ses patins pour son cours d'éducation physique, sous prétexte qu'il allait «user la lame juste avant son tournoi». Un autre enfant arrive en retard certains matins car il a un entraînement physique pour son hockey. «C'est important que les enfants bougent. Ils ont deux heures par semaine d'éducation physique. Plus les récréations. Il y a aussi d'autres activités. S'ils ne bougent pas à l'école, ce n'est pas parce qu'on n'offre pas de service!» note Mme Charron.

La présidente de la Fédération québécoise des directions d'établissements d'enseignement, Chantal Longpré, reconnaît que le sport est bon pour les apprentissages. «Mais il faut mieux concilier ça avec l'école, dit-elle. Il faut se demander : est-il nécessaire que les horaires sportifs soient si chargés? Prenons le hockey. C'est très exigeant. Il faudrait des démarches auprès des regroupements sportifs pour limiter le nombre de tournois pendant les heures de cours. On devrait aussi mettre mieux en valeur le sport en milieu scolaire.» L'organisme Hockey Québec n'a pas rappelé La Presse pour faire part de ses commentaires.

En vacances toute l'année

Selon François Girard, qui enseigne en sixième année à l'école Le Petit-Bonheur de Beloeil, le sport n'est pas la seule cause des absences d'élèves. «Même si les jeunes ont en tout 12 semaines de congé par année, certains parents trouvent le moyen de faire manquer des semaines entières à leur enfant pour des vacances. Ça banalise le rôle de l'école, déplore M. Girard. L'école est devenue une activité parmi tant d'autres.»

«Un nombre croissant d'enfants s'absentent pour des voyages, confirme Brigitte Robert, qui enseigne à l'école Guillaume-Vignal, de Brossard. Ce n'est pas banal! C'est souvent compliqué de reprendre les examens...»

À l'école Guillaume-Vignal, le phénomène des absences pour vacances a pris tellement d'ampleur que la direction envoie systématiquement une lettre aux parents dès qu'un enfant s'absente pour plus de trois jours. «La direction mentionne que la loi oblige les écoles à scolariser les jeunes 180 jours par année», dit Mme Robert.

Le porte-parole de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), Alain Perron, reconnaît que les écoles, principalement celles dont la clientèle est fortement multiethnique, enregistrent de plus en plus d'absences prolongées. «Les gens retournent dans leurs pays d'origine pour des congés. Ils ne partent pas pour une semaine. Certains partent jusqu'à deux mois», affirme M. Perron.

Même si elle n'a aucune statistique sur le sujet, la présidente de l'Alliance des professeurs de Montréal, Nathalie Morel, croit qu'un nombre grandissant d'élèves s'absentent pour des raisons personnelles. «Nous avons un débat public à avoir. On veut que l'éducation soit une priorité au Québec. Et bien ça commence par s'assurer que les jeunes soient présents en classe», dit-elle.