Estimant que l'Université du Québec à Montréal (UQAM) muselle un de ses professeurs qui ne se gêne pas pour critiquer vertement la réforme de l'éducation, des étudiants lancent une pétition pour réclamer le retour de Normand Baillargeon. La direction de l'UQAM assure de son côté que le professeur travaille toujours pour l'Université et que ses positions radicales n'ont d'aucune façon mené à son renvoi.

Professeur à la faculté des sciences de l'éducation de l'UQAM, M. Baillargeon donnait depuis plusieurs années le cours «Fondements de l'éducation préscolaire, primaire et secondaire». Mais à l'automne 2009, M. Baillargeon a cessé d'offrir ce cours.

Joint au téléphone, le professeur dit «avoir été tassé» par l'UQAM. Il ne veut toutefois pas trop faire de commentaires puisqu'il veut laisser toutes les chances à une entente avec l'Université.

Au fil des ans, M. Baillargeon a critiqué fortement le renouveau pédagogique. En 2005, dans un article publié dans Le Devoir, il a parlé d'une réforme «délirante reposant sur les piliers pourris et irrationalistes du constructivisme radical, des compétences transversales et de la pédagogie des projets».

Selon les étudiants en éducation de l'UQAM, dont 142 ont déjà signé la pétition, le départ de M. Baillargeon est déplorable. «Nous croyons que les raisons pour lesquelles M. Normand Baillargeon n'enseigne plus à la faculté d'éducation sont liées à la formule pédagogique de ses cours et à des raisons d'engagement idéologique vis-à-vis du Renouveau pédagogique, est-il écrit dans la pétition. Pourtant, il nous paraît crucial que l'université demeure un lieu de réflexion libre où le programme du MELS est enseigné, mais où il peut aussi être analysé et critiqué.»

L'instigatrice de la pétition, Ariane Cavelli, explique que le cours de M. Baillargeon, qui est obligatoire, était le seul qui présentait une vision critique de la réforme. «On veut le retour de ce professeur de très grande qualité», plaide-t-elle.

Mais le président de l'Association des étudiants de la faculté des sciences de l'éducation (ADEESE) de l'UQAM, Simon Forget, ne croit pas que M. Baillargeon ait été «tassé». Il croit plutôt que son départ est lié à des questions administratives.

La doyenne de la faculté des sciences de l'éducation de l'UQAM, Monique Brodeur, souligne que M. Baillargeon se consacre cette année «à la rédaction d'un livre et qu'il sera après en année sabbatique». «Ensuite, s'il le désire, il pourra enseigner de nouveau», jure-t-elle.

La doyenne explique que le seul quiproquo concernant M. Baillargeon touche la formule de son cours. Le professeur a toujours enseigné à de grands auditoires de plus de 150 étudiants. Vu l'ampleur de ses audiences, il recevait six crédits d'enseignement, comparativement à trois pour un groupe normal.

L'UQAM met fin à ce genre de compensation. S'il reprend son enseignement en grand groupe, M. Baillargeon ne recevra que trois crédits. «Je crois qu'il aurait préféré rester avec l'ancienne formule», résume Mme Brodeur.

Celle-ci assure que M. Baillargeon n'est pas le seul enseignant à critiquer le renouveau pédagogique. «Les professeurs sont tout à fait libres et ne subissent aucunes représailles à cause de leurs positions, dit-elle. Si M. Baillargeon accepte de donner le cours selon nos modalités, il n'y aura aucun problème et il reviendra.»