Professeur de musique depuis sept ans à la Commission scolaire de Laval, Pascal Leprohon n'a toujours pas de permis d'enseignant. L'année dernière, il a effectué un stage de 900 heures qui devait lui permettre d'obtenir son brevet, mais le ministère de l'Éducation (MELS) a refusé sa demande. M. Leprohon déplore qu'alors que le réseau est en pénurie d'enseignants, les exigences du gouvernement pour l'obtention de permis soient «floues» et privent les écoles de plusieurs candidats compétents.

M. Leprohon a complété une maîtrise au Conservatoire de musique de Montréal il y a quelques années, avant d'obtenir un diplôme d'études supérieures spécialisées en musique. Il est aujourd'hui trompettiste à l'Orchestre métropolitain du Grand Montréal et dans d'autres orchestres en plus d'enseigner au cégep Vincent d'Indy et à l'école Jean Piaget à Laval.

Parce qu'il n'a pas de baccalauréat en pédagogie, M. Leprohon n'a pas de permis d'enseignement, mais plutôt une «autorisation provisoire d'enseigner». «À cause de ça, je ne peux pas obtenir de poste permanent dans le réseau», dit-il.

En 2007, M. Leprohon a entamé un baccalauréat en enseignement à temps partiel. Avec toutes ses heures de travail, il a vite réalisé qu'obtenir son diplôme serait très long.

C'est pourquoi quand la Commission scolaire de Laval lui annoncé, à l'automne 2008, qu'il était admissible à un «stage probatoire», qui lui permettrait d'obtenir son brevet, il a sauté sur l'occasion. «Je me suis dit que le gouvernement s'était enfin rendu compte que ça n'avait aucun bon sens de ne pas accorder après sept ans une chance à des enseignants de prouver qu'ils sont à leur place, même sans formation pédagogique universitaire», mentionne-t-il.

M. Leprohon s'est donc inscrit au stage probatoire. Il a enseigné 900 heures à l'école Jean Piaget, pour lesquelles il a été dûment évalué. Il a aussi suivi quelques cours, dont un sur le système scolaire québécois. «J'ai tout passé, même l'examen de français», fait-il valoir, ses rapports d'évaluation à l'appui. M. Leprohon a ensuite acheminé sa demande de brevet au MELS. La réponse est arrivée en mars : refusée. «J'étais catastrophé», affirme M. Leprohon.

La Commission scolaire de Laval n'a pas rappelé La Presse. Mais M. Leprohon affirme qu'elle n'est pas fautive. «C'est plutôt le Ministère qui ne dit pas clairement qui est admissible à son stage probatoire. Il ne précise pas qu'il faut avoir complété un baccalauréat en enseignement», dénonce M. Leprohon.

Dans son document explicatif sur le stage probatoire, le MELS mentionne dans sa section «personnes concernées» que le stage s'adresse aux «détenteurs d'une autorisation temporaire d'enseigner qui doivent compléter avec succès leur stage probatoire pour obtenir une autorisation permanente d'enseigner». «Je croyais être visé par cette définition», dit M. Leprohon.

Procédure stricte

Au Québec, 1500 professeurs enseignent en vertu «d'autorisations provisoires». De ce nombre, seuls les «enseignants qui n'ont pas été formés à l'intérieur d'un programme de baccalauréat de 120 unités dispensé par une université québécoise ou qui ont étudié à l'extérieur du Québec» sont admissibles au stage probatoire, a précisé le MELS hier. C'est ce stage, pour lequel il n'était pas admissible, qu'a réussi M. Leprohon.

Si M. Leprohon a pu obtenir une «autorisation provisoire d'enseigner», c'est qu'il s'est inscrit au baccalauréat en enseignement en 2007. «Les détenteurs d'un baccalauréat disciplinaire peuvent obtenir une autorisation provisoire à condition de s'engager dans un programme de formation», explique le vice-doyen à la faculté de l'éducation de l'Université de Montréal, Roch Chouinard.

Mais la longue voie du baccalauréat, nécessaire pour obtenir un permis, rebute plusieurs candidats. En 2009, à peine 7,31% des titulaires d'autorisation provisoire d'enseigner au Québec ont obtenu leur brevet.

M. Leprohon déplore le «flou» qui entoure les règles du MELS. «Je me retrouve à avoir réussi un stage probatoire et à avoir démontré que j'avais tous les acquis, mais je ne peux pas avoir de permis parce que je n'étais pas admissible (...) déplore-t-il. Ce que je désire, c'est que les gens connaissants et compétents n'aient pas à se battre contre un système qui tend à vouloir les tenir à l'extérieur de l'école, quand on devrait se battre pour les inclure.»