La communauté anglophone de Montréal, qui s'estime laissée pour compte par le gouvernement Charest, se mobilise afin de préserver ses écoles. Parents, commissions scolaires et écoles privées anglophones ont parlé d'une même voix, hier après-midi, pour demander à Québec de respecter la décision de la Cour suprême qui a invalidé la loi 104 au mois d'octobre dernier.

«Le gouvernement ne fait pas son travail avec sa minorité anglophone. Si nous continuons a subir des baisses d'achalandage, nous ne pourrons survivre», a déclaré la présidente de la commission scolaire English Montreal (CSEM), Angela Mancini. Depuis 2002, la CSEM a perdu 5000 élèves. «Et l'effectif continue de diminuer. La loi 104 a été le facteur déterminant de ce déclin», selon Mme Mancini.

 

Au Québec, la Charte de la langue française dit que seuls les enfants dont l'un des parents a fréquenté l'école anglaise au Canada peuvent aller à l'école anglaise. Pour contourner cette obligation, certaines familles envoyaient leurs enfants pendant quelque temps dans des «écoles-passerelles» - des établissements privés non subventionnés de langue anglaise - et «achetaient» ainsi le droit de les envoyer ensuite dans le système scolaire anglophone.

De 1997 à 2002, environ 4000 élèves ont usé de ce stratagème. Pour freiner le phénomène, Québec a adopté en 2002 la loi 104, qui interdisait le recours aux écoles-passerelles. Mais en octobre dernier, la Cour suprême a invalidé cette loi et a donné un an au Québec pour trouver une autre solution.

Depuis, plusieurs groupes ont dénoncé le jugement de la Cour suprême. Le Conseil supérieur de la langue française a sommé Québec de recourir à la clause dérogatoire et d'assujettir les écoles privées non subventionnées à la loi 101.

Droit bafoué

Alors que Québec prépare sa réponse, la communauté anglophone de Montréal souhaite être entendue. «À ce point-ci, on s'attendait à recevoir une lettre ou à se sentir écoutés. Ce n'est pas le cas», déplore Mme Mancini, qui invite la communauté anglophone à interpeller les élus à ce sujet.

«Le gouvernement bafoue le droit des parents de choisir la langue d'éducation de leurs enfants. Or, comme le montre un sondage ce matin (voir encadré), les parents veulent le libre choix. On ne dit pas d'éliminer la loi 101; on dit que, après 35 ans d'existence, on pourrait l'ajuster», affirme Marcus Tabachnick, président de la commission scolaire Lester B. Pearson.

L'ancien commissaire fédéral aux langues officielles, Victor Goldbloom, a déclaré pour sa part: «Contrairement à ce que plusieurs veulent faire dire aux chiffres, Montréal est une ville française. Et il n'est pas non plus justifié de dire que les écoles anglaises ne contribuent pas à la langue française au Québec. La preuve: la quasi-totalité des enfants qui en sortent parlent français.»

Une affirmation que réfute le président de la Société Saint-Jean-Baptiste, Mario Beaulieu: «De récentes études montrent que 30% des anglophones ne sont pas bilingues. Je tiens aussi à dire que les écoles anglaises se plaignent d'une baisse de clientèle. Eh bien! les écoles françaises aussi perdent des élèves. C'est le déclin démographique. Alors pourquoi il faudrait changer les règles du jeu pour favoriser les écoles anglaises?»

M. Beaulieu ajoute que, avant l'adoption de la loi 104, la proportion d'élèves qui fréquentaient les écoles françaises avait diminué. «Environ 9,5% des élèves fréquentaient les écoles anglaises du Québec en 1992, contre 11,5% en 2004. Cette proportion s'est stabilisée depuis», dit-il.

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Pour le libre choix

Un sondage publié hier matin par le quotidien The Gazette montre que deux Québécois sur trois, toutes langues confondues, préféreraient envoyer leurs enfants à l'école de leur choix. Le sondage, mené par Léger Marketing, a demandé à la population si elle aimerait avoir accès aux écoles anglaises même si la loi ne le permet pas actuellement. Selon le sondage, 61% des francophones et 87% des non-francophones souhaiteraient avoir accès au réseau scolaire anglophone.