Plutôt que de défendre la primauté du français, Jean Charest a opté pour «l'à-plat-ventrisme» devant la Cour suprême, a dénoncé jeudi la chef péquiste Pauline Marois.

Le projet de loi 103 déposé la veille a de nouveau donné lieu à un débat acrimonieux à l'Assemblée nationale.

Pour le Parti québécois, ce projet de loi légitimise la possibilité pour de riches parents de contourner la loi 101.

Si elle est adoptée, la loi 103 permettra aux enfants de familles fortunées allophones et francophones d'espérer accéder au réseau d'enseignement régulier de langue anglaise après un séjour de trois ans dans un établissement anglophone privé non subventionné.

Le message ainsi envoyé par le gouvernement libéral est troublant, a dit Mme Marois.

«Le premier ministre a décidé d'envoyer le message que la fréquentation de l'école française n'est plus obligatoire, qu'il y a moyen de faire autrement, de contourner la loi 101, et ça, c'est un message qui est très lourd de conséquences», a-t-elle lancé pendant la période de questions.

Le premier ministre, a poursuivi la leader souverainiste, a choisi de «protéger sa majorité à l'Assemblée nationale» plutôt que de protéger la loi 101 et la langue française.

Plus encore, le chef du gouvernement a préféré plier l'échine devant la Cour suprême du Canada plutôt que de monter au front, appliquer la loi 101 aux établissements privés non subventionnés et recourir à la clause dérogatoire.

«Nous sommes devant la Cour suprême du Canada et le premier ministre dit maintenant: «Je plie les genoux, je me couche à terre et puis j'accepte la décision que vous avez rendue sur notre loi. «Soyez responsable, M. le premier ministre», s'est écrié Mme Marois.

À l'évidence, le gouvernement n'a pas réglé le problème des écoles passerelles, a renchéri le porte-parole du Parti québécois en matière de langue, Pierre Curzi.

Au contraire, a-t-il dit, les libéraux ont simplement porté d'un an à trois ans le séjour minimum requis d'un enfant pour espérer joindre, pour lui et sa descendance, le réseau scolaire régulier anglophone.

En ce sens, les neuf établissements anglophones privés non subventionnés au Québec sont devenus, en vertu du projet de loi 103, des écoles passerelles, a analysé le député de Borduas.

«Les francophones et les allophones devront payer aux écoles privées non subventionnées des montants importants pendant trois ans. Ces écoles privées serviront donc de passerelles incontournables pour acheter un droit. Les écoles privées non subventionnées sont des écoles passerelles», a-t-il soulevé.

Outrée, la ministre de l'Éducation Michelle Courchesne a fait valoir qu'il sera dorénavant beaucoup plus difficile d'acquérir un certificat d'admissibilité au réseau anglophone.

«Nous resserrons toutes les mesures pour faire en sorte que, tout en protégeant les droits, nous avons limité la capacité d'obtenir un certificat d'admissibilité», a-t-elle dit, faisant allusion aux nombreuses et complexes conditions incluses dans le projet de loi 103.

Quant à lui, le premier ministre a dit trouver curieux que l'opposition officielle reproche au gouvernement de se soumettre à la décision de la Cour suprême.

«C'est intéressant. Coupable de s'être conformé aux jugements des tribunaux. Ça en dit long sur l'attitude de la chef de l'opposition officielle vis-à-vis de nos institutions», a-t-il dit.

Déposé mercredi après un long débat de procédures, le projet de loi 103 est la réponse du gouvernement Charest au jugement de la Cour suprême du Canada qui a invalidé, l'an dernier, la loi 104.

Adoptée sous le gouvernement du Parti québécois en 2002, la loi 104 visait à mettre fin au phénomène des écoles passerelles.

Ces établissements privés octroyaient automatiquement, après un an, un certificat d'admissibilité au réseau régulier anglophone à ses élèves francophones et allophones.