Les 1800 chercheurs postdoctoraux du Québec intensifient leur bataille pour éviter de voir leurs bourses imposées par le gouvernement fédéral. Un changement qui favorisera l'abandon de leurs recherches et l'exode des cerveaux, disent-ils.

Rémunérés pour la plupart de 35 000$ à 45 000$ par année, les chercheurs postdoctoraux bénéficiaient jusqu'ici de l'exemption d'impôt accordée aux étudiants à la maîtrise et au doctorat. Mais le dernier budget Harper est venu les exclure officiellement de cette catégorie, ce qui forcera chacun d'entre eux à rembourser quelques milliers de dollars dès leur prochaine déclaration de revenus. «C'est un désastre. Lorsqu'on gagne moins de 40 000$ par année, qu'on est dans la trentaine et qu'on a déjà des enfants comme plusieurs de mes collègues , on se trouve déjà dans une situation précaire», observe Martin Ladouceur, chercheur en statistique-génétique à l'Hôpital juif de Montréal, lié à l'Université McGill.

«Si on doit maintenant perdre des milliers de dollars, plusieurs n'y arriveront plus. Après 10 ans d'études universitaires, c'est ridicule. On parle de chercheurs qui travaillent entre autres à l'amélioration de la médecine et à la mise au point de nouveaux traitements. Comment les encourager et les garder si on réduit continuellement leurs moyens?» interroge le jeune homme. «Ces coupes sont semblables à celles faites aux artistes, dit-il, mais on ne réalise pas leur impact.»

Pressions

Cette semaine, l'Association des chercheurs postdoctoraux de McGill a relancé ses membres pour qu'ils écrivent à leurs députés et signent une pétition. Les universités québécoises exercent elles aussi des pressions en coulisse, notamment McGill et l'Université de Montréal, qui comptent chacune quelque 700 postdoctorants. «On considère, tout comme le gouvernement du Québec, qu'ils ne sont pas des employés mais des stagiaires ou des apprentis de haut niveau. On continue de les former pour en faire des chercheurs pleinement autonomes», indique Martin Kreiswirth, doyen aux études supérieures et postdoctorales à McGill. Dans plusieurs autres provinces, les bourses des postdoctorants sont malgré tout imposées depuis longtemps, dit-il, et les universités réussissent à en recruter. «Mais ce n'est pas idéal, bien sûr, on travaille donc très fort pour faire reconnaître leur statut de stagiaire, même si on ne peut pas savoir tout de suite comment cela va nous affecter.»

«On se soucie de la persévérance des postdoctorants dans leurs recherches», affirme pour sa part Sophie Langlois, porte-parole à l'Université de Montréal. «On va décourager les étudiants d'aller vers la carrière traditionnelle de professeur chercheur», renchérit Louis- Philippe Savoie, président de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ). Lors du dernier budget, le gouvernement conservateur a parallèlement instauré quelques bourses postdoctorales plus généreuses. Mais ces «super bourses» bénéficieront seulement à une centaine de chercheurs postdoctoraux, soit à 2% d'entre eux, souligne M. Savoie.

L'an dernier, un rapport du Conference Board of Canada déplorait déjà que le Canada se classe dernier parmi 15 pays quant au taux de diplomation des étudiants au doctorat. «Cette mauvaise note est très inquiétante et de mauvais augure pour l'avenir, indique le rapport. L'omission de subventionner des universités de calibre international explique en partie la faiblesse du Canada quant à la réussite académique de haut niveau et la faiblesse en innovation qui lui est associée.»