L'idée de la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, qui compte demander aux écoles privées et publiques à vocation particulière d'intégrer les élèves handicapés ou en difficulté d'apprentissage, soulève les passions.

«C'est pitoyable», lance Alain Marois, président de l'Alliance des professeurs de Montréal. À la Commission scolaire de Montréal, dit-il, 27% des élèves sont en difficulté.

Pour lui, c'est de la pensée magique que d'imaginer qu'on peut intégrer les enfants sans ajouter d'argent.

De l'argent, il en faut: pour embaucher des spécialistes, pour réduire la taille des classes, pour remettre au goût du jour les fameuses «classes spéciales», sur lesquelles les fonctionnaires lèvent trop le nez, selon M. Marois, orthopédagogue de formation.

C'est dire l'ampleur du fossé qui sépare la ministre Beauchamp du syndicat d'enseignants le plus important de Montréal: l'Alliance qui favorise le retour des classes spéciales, la ministre qui prône l'intégration.

Solutions personnalisées

Lise Bibaud, directrice générale de l'Association québécoise des troubles d'apprentissage, salue pour sa part l'ouverture d'esprit et la rapidité de réaction de la ministre, «qui promet que tout sera en place dès la prochaine année scolaire».

L'Association ne revendique pas l'intégration à tout prix, insiste Mme Bibaud, mais plutôt l'évaluation des problèmes de chaque élève et l'application de solutions personnalisées. «Il peut même arriver que l'intégration de l'élève dans une classe ordinaire soit la solution idéale à un moment donné et que d'autres solutions s'imposent quelques années plus tard. L'important, c'est de ne pas donner dans le mur-à-mur et d'offrir un continuum de services.»

Coûteux, non? «Le Ministère verse déjà de fortes sommes d'argent aux commissions scolaires. Commençons par voir la façon optimale d'utiliser cet argent. Je suppose qu'il sera possible d'en avoir un peu plus au besoin», répond Mme Bibaud.

Catégorisation à tout crin

Jean-Louis Portal, directeur du secondaire au Collège français de Montréal, en a, lui, contre la catégorisation à tout crin. Les dyslexiques, dont on parlait beaucoup il y a quelques années, ne sont-ils pas très nombreux à devenir présidents d'entreprise? demande-t-il.

Et où situer les problèmes de comportement, dans tout cela? demande M. Portal. À son avis, les collèges privés peuvent peut-être intégrer plus d'élèves en difficulté d'apprentissage, mais ils demeurent mal outillés pour faire face aux comportements vraiment problématiques.

Ce qui se trouve au coeur de ce débat, dit Réjean Parent, président de la Centrale des syndicats du Québec (qui regroupe les deux tiers des enseignants du Québec), c'est la composition des classes. Quand on retire des classes tous les meilleurs éléments - happés par le privé ou par les écoles publiques à vocation particulière -, on en arrive à ceci: 10 ou 15 élèves en difficulté face à une enseignante complètement débordée.

Les collèges privés sont prêts à admettre plus d'élèves en difficulté, conclut pour sa part Jean-Marc St-Jacques, président de la Fédération des établissements d'enseignement privés. Encore faut-il, fait-il observer, qu'ils reçoivent des subventions en conséquence.