Depuis plus de 10 ans, le taux de décrochage chez les élèves de moins de 19 ans avoisine les 30% au Québec. Pour renverser la vapeur, le ministère de l'Éducation a lancé le programme L'école, j'y tiens en 2008. Au même moment, dans un quartier défavorisé et multiethnique de Montréal, le directeur de l'école Terre des jeunes, Frédéric Hurpesz, a décidé d'utiliser massivement les ordinateurs pour intéresser ses élèves. Une véritable révolution: les jeunes sont plus motivés que jamais, comme a pu le constater La Presse. Petite histoire d'une réussite.

En 1997, Frédéric Hurpesz pensait lâcher l'école. En âge de fréquenter le cégep, il n'y allait pas, car rien ne l'intéressait. Dans un ultime effort, il s'est inscrit à un programme d'études professionnelles en comptabilité. Et c'est là qu'il est tombé amoureux de l'informatique.

Quelques années plus tard, M. Hurpesz est devenu directeur de l'école Terre des jeunes, à LaSalle. Et un constat l'a frappé: alors que la direction utilisait abondamment les ordinateurs, les enfants, eux, n'y avaient pratiquement pas accès. «J'ai voulu que ça change», raconte-t-il.

Grâce à des subventions grappillées à droite et à gauche, en 2008, M. Hurpesz a doté toutes ses classes de tableaux interactifs. Et depuis le mois de septembre, les classes de cinquième et de sixième année possèdent chacune 16 ordinateurs portables. Les élèves raffolent de cette technologie, qui leur permet de réaliser les projets les plus fous.

Bien assis à leur pupitre, le 8 décembre dernier, les élèves de sixième année de Mme Annabel ont accepté de montrer quelques-uns de leurs travaux à La Presse. Leur fierté était palpable. Pour l'enseignante, tous ces visages radieux sont un immense cadeau. «Je sens leur motivation», constate Mme Annabel.

La jeune Aricia a d'abord expliqué que tous les élèves de sa classe ont récemment eu à composer un texte humoristique. «Après, on a enregistré ces textes. Et on a modifié nos voix avec un logiciel», explique-t-elle. La fillette aux longs cheveux bruns appuie sur un bouton et fait entendre sa présentation, à la voix rapide et très aiguë. Toute la classe s'esclaffe.

En plus des textes humoristiques, les élèves de Mme Annabel ont réalisé des reportages journalistiques et ont conçu une bande dessinée virtuelle.

Fini le sac d'école!

Mais ce que les enfants aiment le plus, c'est le fait de ne plus avoir besoin de sac d'école. Tous les élèves de Mme Annabel sont maintenant munis d'un bracelet auquel est intégrée une clé USB. «Nos devoirs sont là-dessus. On apporte ça à la maison et on fait nos travaux sur nos ordinateurs», résume le petit Mohammed.

Qu'arrive-t-il si un élève n'a pas d'ordinateur à la maison? «On en loue un à la bibliothèque municipale. Ou on va chez un ami», répond de sa petite voix la frêle Geneviève, qui, pendant la visite d'une heure de La Presse, n'a cessé de se promener à droite et à gauche, trop heureuse de montrer ses réalisations.

Mis à part quelques problèmes informatiques en début d'année, Mme Annabel estime que l'implantation des ordinateurs a été un véritable succès. «Je ne m'en passerais plus!» dit-elle. Certes, elle a dû apprendre à maîtriser certains logiciels. «Mais j'ai juste appris la base. Les enfants les utilisent, maintenant, et ils m'apprennent des choses. Ils deviennent presque des spécialistes!» remarque-t-elle.

Le principal avantage des ordinateurs, de l'avis de tous, c'est la motivation. «Les enfants sont moins passifs en classe. Ils font des projets et créent beaucoup. Ça les motive», note M. Hurpesz.

«Quand on écrit, on devient fatigué. Mais quand on tape à l'ordi, on dirait presque un jeu», remarque Geneviève. Mohamed, lui, estime que les ordinateurs sont le meilleur moyen de le motiver à apprendre. «C'est bien plus intéressant!» dit-il. Presque tous les élèves de la classe de Mme Annabel disent qu'ils aimaient «moyennement» l'école l'an dernier mais que, cette année, ils adorent ça.

Dodley, un charmant garçon à la peau basanée, trouve que les ordinateurs lui permettent de mieux comprendre les travaux. «Et on bouge plus en classe, ajoute-t-il. On va chercher les consoles, on travaille en équipe, on change de place au lieu de juste rester assis à écrire.»

Le projet est si apprécié que M. Hurpesz l'étendra aux classes de troisième et de quatrième année. Enseignante en première année à l'école Terre des jeunes, Mme Natascha explique que les classes du premier cycle se contenteront d'avoir quelques ordinateurs chacune. «Parce que c'est à notre niveau qu'on apprend à lire et écrire. Donc, c'est important de ne pas tout faire à l'ordinateur», dit-elle.

En sixième année, Mme Anabel est consciente du fait que l'ordinateur ne doit pas anéantir complètement les outils d'apprentissage plus traditionnels. «On lit quand même de vrais livres», dit-elle.

«C'est sûr qu'on n'éliminera jamais complètement l'écriture avec les crayons. Mais on est heureux de voir le succès que le projet remporte. Il y a un réel intérêt. Est-ce que ça durera encore des années? Je ne sais pas. Mais pour l'instant, ça marche», note M. Hurpesz.