En 10 mois, le directeur adjoint de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB) à Montréal, Wojteck Winnicki, a visité la Belgique, la France, la Tunisie et deux fois la Chine. La CSMB a payé environ 30 000$ pour ces voyages, auxquels ont parfois participé des employés et des élèves, révèlent des données obtenues grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Puisque ces voyages se faisaient dans le cadre de «l'internationalisation de l'éducation québécoise», une portion des factures a été payée par la Coopérative en éducation internationale.

Depuis 2001, les contributions annuelles du ministère de l'Éducation à cet organisme sont passées de 100 000$ à 1,375 million, a appris La Presse. Chaque année, une trentaine de commissions scolaires, dont la CSMB, versent un total de 163 000$ à cette coopérative.

M. Winnicki est un véritable globe-trotter, si l'on se fie à ses notes de frais de 2009-2010. Du 19 au 26 septembre 2009, le directeur adjoint de la CSMB s'est rendu en Belgique et en France pour «consolider des stages en entreprise» et participer à des discussions afin d'améliorer le volet entrepreneurial de certaines formations, selon le porte-parole de la CSMB, Jean-Michel Nahas.

Du 20 novembre au 4 décembre 2009, M. Winnicki est allé en Chine. «Là-bas, les centres de formation professionnelle ont de la difficulté à attirer des candidats. On est allés leur présenter notre expertise», affirme M. Nahas. Depuis, 23 ententes de partenariat ont été signées avec des établissements chinois, ce qui ouvre la voie à de possibles échanges d'élèves, affirme M. Nahas.

De retour de Chine, M. Winnicki a à peine eu le temps de poser ses bagages avant de repartir pour la Tunisie, du 11 au 27 décembre 2009. Encore une fois, il est allé présenter l'excellence des centres de formation professionnelle québécois. Enfin, à l'automne 2010, M. Winnicki est retourné en Chine avec 12 élèves en «mission pédagogique» dans le cadre des partenariats.

Exportation de savoir-faire

M. Nahas explique que l'internationalisation est un dossier important pour la CSMB, qui compte une forte proportion d'enfants nouvellement arrivés au pays. «On a une réelle motivation à aller s'inspirer des autres ou à aller montrer ce qu'on fait», dit-il.

Une portion des coûts des voyages de M. Winnicki a été absorbée par la CSMB et par le pays visité. Une autre partie a été payée par la Coopérative en éducation internationale, dont M. Winnicki est vice-président.

Le directeur général de l'organisme, Étienne G. Juneau, explique que l'ancien gouvernement péquiste a adopté en 2002 une «stratégie d'internationalisation de l'éducation québécoise» qui visait entre autres choses à exporter le savoir-faire québécois en matière d'éducation et à faciliter les échanges entre pays. Outre l'organisation de stages étudiants à l'étranger, l'organisme chapeaute aussi une série de projets de coopération internationale.

Par exemple, un accord de jumelage a été signé entre le Québec et le Burundi. «Notre approche par compétences (renouveau pédagogique) est de plus en plus utilisée de par le monde. On travaille actuellement avec le gouvernement du Burundi pour implanter ça là-bas», note M. Juneau.

Selon lui, puisque le Québec vit dans un monde «de plus en plus global, il est important d'ouvrir les jeunes sur le monde». Quant à savoir s'il est pertinent que Québec investisse autant d'argent dans des projets à l'étranger alors que le réseau de l'éducation en manque constamment, M. Juneau répond que les élèves profitent des partenariats avec les pays étrangers. «On apprend beaucoup de ça», assure-t-il.

La présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec, Josée Bouchard, estime que les initiatives de la coopérative sont «formidables». «Notre système d'éducation est souvent critiqué ici. On peut faire mieux, mais, à l'étranger, on sert d'exemple! Des pays veulent être comme nous et veulent être aidés. C'est un devoir qu'on a comme pays nanti d'aider des pays en situation de pauvreté. On parle d'entraide, ici.» Selon Mme Bouchard, le personnel des commissions scolaires qui se rend à l'étranger revient avec «un regard nouveau» qui «apporte de nouvelles façons de travailler».

Mais la directrice générale de la Ligue des contribuables, Claire Joly, trouve ces dépenses pour le moins étonnantes. «Ce n'est pas évident de comprendre pourquoi le directeur adjoint d'une commission scolaire a tant besoin de se rendre à l'étranger», dit-elle.

Mme Joly a appris avec surprise l'existence de la Coopérative en éducation internationale et a déclaré que, en ces temps de restrictions budgétaires, ces nombreux voyages à l'étranger ne semblent pas une priorité. «D'autant qu'il y a de nombreux problèmes en éducation, comme les bâtiments vétustes, le décrochage... Les commissions scolaires disent tout le temps qu'elles manquent d'argent. Il faut faire attention à l'image que projettent de telles dépenses en voyages internationaux.»

Subventions en hausse de 1275%

La Coopérative en éducation internationale est un organisme à but non lucratif à qui le gouvernement confie le mandat de faire rayonner le Québec à l'étranger en matière d'enseignement. Une trentaine de commissions scolaires sont membres de cette coopérative, de même que la Fédération des commissions scolaires du Québec. Ensemble, les commissions scolaires versent annuellement 163 000$ à cet organisme. Le ministère de l'Éducation lui a quant à lui versé 1,375 million en 2009-2010, soit une hausse de 1275% depuis 2001. La porte-parole du Ministère, Esther Chouinard, explique que les subventions à la coopérative ont augmenté au fil des ans parce qu'on lui a confié des «responsabilités supplémentaires», dont la gestion de nouveaux programmes de mobilité.