Il manque actuellement 264 psychoéducateurs, orthopédagogues et autres professionnels dans les écoles montréalaises, révèle une nouvelle compilation de la Commission scolaire de Montréal (CSDM). Alors qu'un élève sur cinq est handicapé ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (HDAA), il est urgent d'engager plus de spécialistes si l'on veut atteindre les cibles de réussite imposées par Québec, estime le syndicat de l'Alliance des professeurs de Montréal.

Au cours des derniers mois, la CSDM a demandé à ses quelque 150 écoles des recommandations pour améliorer les services offerts aux élèves en difficulté. Dans un document diffusé vendredi dernier, que La Presse a obtenu, on peut lire que les écoles montréalaises estiment qu'il manque 264 professionnels pour offrir une aide directe et suffisante à ces enfants. Les écoles évaluent notamment qu'il manque 65 postes en orthopédagogie, 42 postes en orthophonie, 43 postes de technicien en éducation spécialisée et 27 postes en psychoéducation.

La présidente de la CSDM, Diane De Courcy, reconnaît qu'il y a «de grands besoins non comblés» à Montréal en matière de services aux enfants en difficulté.

Elle explique toutefois que les recommandations des écoles sont «une première étape» dans les discussions qui doivent mener à l'adoption d'un plan d'action pour les élèves HDAA à l'automne.

Selon les données 2007-2008, 20% des élèves du primaire et du secondaire à Montréal sont HDAA, soit environ 12 000 jeunes. «Le gouvernement a beau nous imposer des cibles de réussite, il faut considérer la clientèle! affirme la vice-présidente de l'Alliance, Catherine Renaud. Il y a déjà une pénurie de professionnels dans les écoles et on nous demande d'augmenter nos taux de réussite sans moyens supplémentaires!»

Depuis l'adoption de la loi 88, le gouvernement a adopté une «approche axée sur les résultats» afin d'amener les écoles à hausser leurs taux de réussite. Pour ce faire, le ministère de l'Éducation signe des conventions avec les commissions scolaires et les écoles et leur impose des cibles de réussite à atteindre d'ici 2020. À Montréal, par exemple, le taux d'obtention de diplôme doit passer de 57% à 70%. La Presse a révélé hier que plusieurs enseignants disent subir des pressions afin d'atteindre ces objectifs et craignent de devoir gonfler artificiellement leurs résultats.

Montréal ne fait pas exception, selon Mme Renaud. «On a beau fixer des objectifs, ça prend des moyens pour y arriver. Le taux d'intégration des EHDAA à Montréal est d'environ 57%. Ça prend plus de ressources pour aider ces enfants si on espère pouvoir atteindre les cibles. Nous imposer des taux d'obtention de diplôme sans nous donner plus de moyens pour y arriver, c'est de la poudre aux yeux», dit-elle.

«Attaque à l'autonomie professionnelle»

La Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ) est si outrée par ces nouvelles cibles chiffrées que, hier, elle a officiellement demandé à la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, de les retirer parce qu'elles «constituent une attaque à l'autonomie professionnelle des enseignantes et enseignants».

Professeur titulaire au département d'administration et fondements de l'éducation de la faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal, Claude Lessard explique qu'une approche axée sur les résultats ne peut pas être introduite dans le milieu de l'éducation sans y ajouter des moyens. «Il faut offrir des ressources de soutien et revoir l'organisation du travail pour favoriser la découverte de solutions, dit-il. Il ne faut pas établir des cibles de réussite et mettre de la pression pour les atteindre sans rien faire d'autre. Sinon les enseignants vont avoir l'impression qu'on leur met la pression de la réussite sur les épaules.»