«Si les enfants ont faim, apprendront-ils vraiment mieux si on les place devant des machines?»

Pierre St-Germain, président de la Fédération autonome de l'enseignement, qui représente 27 000 enseignants, était très sceptique, mercredi après-midi, après avoir entendu le discours inaugural de Jean Charest.

Que le gouvernement s'apprête à doter chaque enseignant d'un portable et à installer un tableau interactif - «des tableaux blancs intelligents» - dans chaque classe lui semble hautement ironique, dit-il, au lendemain du cri d'alarme de la Commission scolaire de Montréal, qui voudrait que les élèves défavorisés soient nourris gratuitement le midi.

«À des problèmes très humains, on répond par de la quincaillerie», déplore M. St-Germain.

Il aurait préféré que Jean Charest propose des maternelles à mi-temps pour les petits de 3 ans issus de milieux pauvres, par exemple.

Réjean Parent, président de la Centrale des syndicats du Québec (qui représente 60 000 enseignants à l'extérieur de Montréal), n'est pas plus enthousiaste. À son avis, préconiser le vouvoiement et instaurer l'enseignement intensif de l'anglais en sixième année ne sont que des mesures tape-à-l'oeil. «Jean Charest a voulu faire du spectacle.»

Une sixième année en anglais

Tout comme M. St-Germain, M. Parent se demande bien comment s'articulerait sur le terrain l'idée que les élèves passent la moitié de leur sixième année en anglais. « En ce moment, on n'a certainement pas les enseignants pour cela. Ce n'est pas mieux si on se retrouve avec des classes où l'enseignant n'est pas plus à l'aise en anglais que les élèves qu'il a devant lui.»

Et pourquoi parler des codes de vie maintenant? se demande M. Parent. «Moi, j'aurais préféré que l'on me parle de plans de lutte contre la violence.»

De façon plus fondamentale, les deux présidents syndicaux se désolent qu'on n'ait pas plutôt parlé des ressources à allouer aux élèves en difficulté, handicapés ou qui ont des troubles de comportement.

Pour sa part, François Paquet, président de la Fédération des comités de parents, s'est montré moins critique. «Plusieurs parents souhaitent un enseignement intensif de l'anglais en sixième année, souligne-t-il, et cette annonce va donc dans le sens souhaité.»

Va pour les tableaux interactifs et les portables pour chaque enseignant, poursuit-il, «mais encore faudra-t-il prévoir de la formation, parce que de tels tableaux n'auront pas de valeur ajoutée s'ils ne font que remplacer la craie», sans que toutes leurs fonctionnalités soient utilisées au maximum.

«Il reste aussi à savoir comment on va financer l'achat d'autant de portables pour les enseignants et de tableaux interactifs dans les classes. Il ne faudrait surtout pas qu'on réduise les services aux élèves en difficulté pour acheter des tableaux interactifs», prévient M. Paquet.

Par ailleurs, aussi bien M. Parent que la Fédération étudiante universitaire du Québec se sont de nouveau élevés contre la hausse des droits de scolarité, qui a été confirmée dans le discours inaugural.

À l'inverse, la Conférence des recteurs et des principaux du Québec (CREPUQ) a salué le discours et s'est réjouie de ce que l'éducation ait été désignée comme la grande priorité. Au sujet du financement des universités, la CREPUQ a déclaré par voie de communiqué : « Le gouvernement y contribuera encore davantage, le secteur privé y contribuera davantage, et les étudiants feront leur juste part. Nos universités doivent rayonner. »