L'anglais est-il valorisé à l'école? «Les parents plus fortunés ou immigrés y accordent plus d'importance», répond Maria Arpino, qui a enseigné cette langue dans les écoles secondaires francophones de plusieurs quartiers montréalais.

Dans Hochelaga-Maisonneuve, elle en a entendu de toutes les couleurs, dit-elle. «On m'a dit: «On est au Québec ici! Si vous pensez que vous allez forcer mon enfant à parler anglais!» Il faut dire que c'était à l'époque du référendum de 1995...»

Dans le quartier Saint-Michel, très multiethnique, cela se passait bien mieux, raconte l'enseignante, qui a elle-même découvert les langues lorsque ses parents ont quitté l'Italie et l'ont inscrite à l'école française, avant la loi 101.

«Les élèves venus d'ailleurs sont super motivés. Ils ont leurs parents sur le dos et ils veulent s'en sortir», confirme son confrère Patrick Thibault, qui enseigne dans une polyvalente de Nouveau-Bordeaux-Cartierville.

Avec les francophones, c'est plus difficile, dit-il. «Des élèves qui en seraient capables refusent d'aller en anglais enrichi. Ils ne veulent pas lire de romans. Ils sont contents s'ils peuvent réussir le cours sans trop d'efforts.»

«Certains sont si paresseux qu'ils parviennent à couler l'anglais régulier, même s'ils sont bilingues!» s'exclame l'enseignant, qui a dû faire échouer 30 de ses 150 élèves l'an dernier.

Selon Maria Arpino, on offre trop peu d'anglais, à l'école primaire comme à l'école secondaire. «Les élèves écrivent deux lignes et se retrouvent bloqués, dit-elle. Ils savent qu'ils n'apprendront pas grand-chose avec une petite heure de cours par-ci par-là, alors ils aiment mieux abdiquer. Ça leur donne une excuse.»

«Le compte-gouttes, c'est une perte de ressources et d'énergie. C'est frustrant pour tout le monde», conclut-elle.

Pourtant, les parents veulent de vrais cours. En fait, dit-elle, ils sont plus ouverts à l'anglais que l'école. «L'anglais, c'est la matière pauvre. C'est toujours celle qui sautait quand il y avait un concert ou une activité spéciale.»

«J'ai entendu des collègues dire des choses comme: «Vous traumatisez les enfants quand vous leur donnez des directives en anglais en classe.» Ou: «Il a juste à allumer la télé, il va l'apprendre»», se désole Mme Arpino.

Un manque de respect qui, à ses yeux, explique en partie la pénurie d'enseignants spécialistes d'anglais langue seconde. «Plusieurs partent enseigner en Ontario ou en Thaïlande. C'est plus payant et plus valorisant, dit-elle. Je me demande bien où ils vont trouver assez de profs pour élargir le programme.»

«On va bientôt aller recruter n'importe où, ironise son confrère Patrick Thibault. «On va dire: You speak English? O.K., j'ai un job pour vous!»

D'après Mme Arpino, les résultats ne sont pas toujours heureux. «J'ai vu des profs entrer dans la classe pour jouer de la guitare du début à la fin. L'année suivante, leurs anciens élèves ne voyaient pas pourquoi ils feraient soudain des exercices.»

«C'est dommage, dit-elle. Moins d'enfants iraient au cégep anglophone si l'anglais était mieux enseigné dans le réseau francophone.»

Nombre d'heures d'anglais données aux élèves québécois sur une période de 11 ans. Soit environ 50 heures par an au primaire et 100 heures par an au secondaire.

1200

Nombre d'heures requises (à condition d'être concentrées sur une période assez courte) pour acquérir une connaissance élémentaire d'une langue seconde. Il en faut au moins quatre fois plus pour la maîtriser.

3092

Nombre total d'enseignants d'anglais langue seconde au Québec

251

Nombre d'enseignants embauchés grâce à une «tolérance d'engagement» parce que l'école était incapable de trouver du personnel qualifié pour donner le cours d'anglais. Sources : ministère de l'Éducation du Québec et SPEAQ