La fillette de 12 ans s'est réfugiée dans les toilettes et a composé le 911. En quelques instants, les policiers sont arrivés à l'école.

Il n'y avait pas de tueur fou dans le couloir, mais la petite n'en pouvait plus de sentir vibrer son téléphone portable. « Chaque fois qu'elle regardait l'écran, elle trouvait un message texte de plus en plus méchant. Elle a paniqué», relate Maureen Baron, responsable du dossier cyberintimidation à la commission scolaire English-Montreal.

Dans une autre école, un garçon de 1ere secondaire, très petit pour son âge, a enduré toutes sortes de messages menaçants jusqu'à ce que l'un dise : «On sait à quelle heure ta mère promène le chien et on va l'attendre.» «Là, il a vraiment pris peur. Sa mère aussi. Elle a tout raconté à la police, qui est intervenue», précise Mme Baron.

À Montréal, comme ailleurs en Amérique du Nord, les policiers se retrouvent de plus en plus souvent mêlés aux dossiers d'intimidation. Notamment parce que l'internet a compliqué les choses.

«Depuis l'automne dernier, c'est particulièrement violent. Il ne se passe pas une semaine sans un incident, généralement lié à Facebook. Ce qui est troublant, c'est que ce sont presque toujours des filles qui sont en cause et qu'elles sont très jeunes», rapporte un directeur d'école montréalais.

«Les réseaux sociaux sont en train de créer des asociaux! Ça nuit aux relations interpersonnelles des jeunes parce que, derrière leur clavier, ils ont comme un filtre qui disparaît. Ça leur semble irréel mais, le lendemain, ils font face aux répercussions de leurs gestes, de ce qu'ils ont dit», ajoute-t-il.

Dans son école francophone une élève était à ce point malmenée sur le célèbre site de réseautage que la direction a conseillé aux parents de tout imprimer et d'aller au poste de police.

Le commandant Francesco Secondi, qui dirige la section des crimes technologiques au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), en a vu d'autres.

Il y a deux ans, des élèves avaient ouvert une page Facebook d'une méchanceté inouïe pour dénigrer une camarade de 15 ans qui avait un problème de poids. «C'était si affreux que les parents ont dû la changer d'école, dit-il. Pour nous, quand l'enfant a trop peur pour aller en classe, c'est grave.»

Son équipe a donc rencontré les créateurs de la page et donné une conférence à toute l'école.

Certains élèves sont carrément arrêtés et traduits devant le tribunal de la jeunesse, précise-t-il. C'est arrivé par exemple à un garçon de 16 ans qui bombardait une fille de son âge de messages dénigrants. Dans un premier temps, la police s'est contentée de le semoncer et l'école l'a suspendu pendant quelques jours, se souvient M. Secondi.

«À son retour, il lui a écrit qu'il lui ferait la vie dure, si jamais elle restait en vie, dit-il. On ne peut pas laisser passer une chose pareille.

Les jeunes doivent réaliser que, en vieillissant, leurs paroles en l'air font réellement peur aux autres.»

Bon an, mal an, l'équipe de M. Secondi contribue ainsi à faire accuser une dizaine d'adolescents qui ont intimidé, menacé ou harcelé un camarade. Un nombre bien plus important de jeunes se retrouvent toutefois au tribunal de la jeunesse pour les mêmes raisons. « Les enquêteurs n'ont pas toujours besoin de notre soutien parce qu'ils n'ont pas toujours besoin d'une preuve numérique», explique-t-il.

L'an dernier, le SPVM a par ailleurs volé au secours de 95 enfants et adolescents que Tel-Jeunes estimait en danger ou au bord du suicide. Dans bien des cas, l'intimidation faisait partie de leurs problèmes.