La Coalition pour l'avenir du Québec de l'ancien ministre péquiste François Legault a présenté, hier matin, ses propositions pour réformer le milieu de l'éducation. En plus d'abolir les commissions scolaires, de hausser les salaires des enseignants et d'évaluer leurs performances, la Coalition souhaite geler les subventions aux écoles privées pendant quatre ans. Quelques minutes à peine après le dévoilement de cette plateforme, commissions scolaires, enseignants et parents ont vivement manifesté leur mécontentement.

L'éducation est la «priorité absolue» de la Coalition, qui veut faire passer le nombre de jeunes diplômés de moins de 20 ans de 72% actuellement à 80% en 2020. Pour y arriver, le cofondateur de la Coalition, François Legault, souhaite revaloriser les enseignants en leur donnant plus d'autonomie et en augmentant leurs salaires de 20%, voire plus pour ceux travaillant dans des milieux défavorisés. En échange de cette hausse de salaire, M. Legault veut évaluer deux fois par année la performance des enseignants, en se basant notamment sur la réussite des élèves.

M. Legault assure que les attentes ne seront pas les mêmes en milieu défavorisé et que la réalité des classes sera considérée. «Mais il n'y a rien de plus important qu'un enseignant motivé et compétent, dit-il. Un enseignant qui n'atteindrait pas les résultats attendus se ferait proposer des stages de mentorat. Et si rien ne change, il serait congédié.» Selon la Coalition, environ 5% des enseignants auraient besoin de formations d'appoint.

M. Legault souhaite aussi rendre les écoles plus autonomes en abolissant les 69 commissions scolaires pour les remplacer par 39 agences régionales, semblables à celles existant dans le réseau de la santé. De cette façon, les directeurs d'école engageraient leurs professeurs et signeraient avec eux des contrats de trois à cinq ans, ce qui améliorerait la stabilité du personnel.

Toutes ces mesures, qui sont évaluées à 950 millions, seraient adoptées sans augmenter les taxes et impôts. M. Legault croit entre autres pouvoir aller chercher 600 millions en diminuant les frais d'exploitation chez Hydro-Québec, 280 millions en transformant les commissions scolaires et 60 millions en gelant les subventions aux écoles privées pendant quatre ans.

«Le chaos»

Les réactions n'ont pas tardé à fuser. La Fédération des commissions scolaires, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui représente des enseignants, et la Fédération des comités de parents ont d'une même voix critiqué les propositions. «Notre système n'est pas parfait, mais il est performant. Les propositions de M. Legault nous mèneraient au chaos. (...) Pendant que le chaos va durer, qui va payer la note? Les enfants», dénonce le président de la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ), François Paquet. Selon lui, rien ne laisse croire que les performances des élèves seraient améliorées avec la «réforme Legault».

Le président de la CSQ, Réjean Parent, estime que les enseignants en ont «ras le bol des politiciens qui veulent se faire un nom en réformant l'éducation». Selon M. Parent, les propositions de M. Legault «ne valorisent pas les enseignants, au contraire, elles les discréditent». La présidente de la Fédération des commissions scolaires, Josée Bouchard, déplore quant à elle que M. Legault «veuille détruire ce qui existe». Elle a rappelé que le Nouveau-Brunswick a aboli les commissions scolaires il y a quelques années avant de les ramener cinq ans plus tard.

Un appui

La présidente de la Fédération québécoise des directeurs d'établissements d'enseignement, Chantal Longpré, appuie quant à elle M. Legault. Disant agir en son nom personnel, elle était même assise aux côtés de l'ancien ministre lors de la présentation de la plateforme hier matin. Selon Mme Bouchard, il est inacceptable que Mme Longpré porte ainsi un «double chapeau».

Mme Longpré s'est défendue en disant vouloir «faire avancer le monde de l'éducation». M. Legault a quant à lui rappelé que son groupe est «politique, mais non partisan». La Coalition déposera un plan d'action dès l'automne qui servira à «interpeller les partis politiques». «Si ça ne fonctionne pas, à ce moment la création d'un parti politique n'est pas exclue», a dit M. Legault.

Pas d'enthousiasme à Québec

Le gouvernement Charest rejette en bloc les propositions de François Legault. «Des grands bouleversements et une grande réforme, ce n'est pas le temps en ce moment au Québec. On a surtout besoin d'avoir de l'efficacité et amener les jeunes vers les diplômes et les emplois», a affirmé le ministre de l'Éducation, Line Beauchamp.

Selon elle, François Legault propose «une bataille de structures» et des «luttes de pouvoir» inutiles en voulant «transformer des structures régionales», les commissions scolaires, «en d'autres structures régionales».

De son côté, la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a tourné en ridicule l'idée de réduire les frais d'exploitation d'Hydro-Québec de 600 millions. «En sept pages, François Legault justifie les gains d'efficacité avec une note en bas de page. Ce n'est pas très sérieux», a-t-elle lancé. Environ 90% des frais d'exploitation sont destinés aux salaires. «Ce que M. Legault propose, c'est abolir des emplois en région», a-t-elle dit.

La députée péquiste Monique Richard, ancienne présidente de la CEQ, a elle aussi, sans surprise, condamné les propositions de François Legault. Le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, n'a pas voulu les commenter.

Avec la collaboration de Tommy Chouinard