Les morceaux de brique provenant des murs de l'école Nesbitt, peints de couleurs vives par les élèves et mis en vente pour le 100e anniversaire de l'établissement, semblent étrangement prémonitoires.

L'école est menacée de fermeture. La nouvelle, tombée en mars, en pleine préparation des festivités du centenaire, a pris tout le monde de court.

«Nous avons été secoués et déçus. L'école est ici depuis si longtemps, nous n'avons pas compris ce qui se passait», raconte Carol Ghanoudi, enseignante à l'école Nesbitt. Nous l'avons rencontrée plus tôt ce mois-ci, au gala du 100e anniversaire, qui a réuni des dizaines d'anciens élèves, professeurs et membres de la direction.

L'école Nesbitt est une affaire de famille pour elle. Sa mère y a étudié au tournant des années 40, alors que l'établissement portait encore le nom d'école Rosemont. Mme Ghanoudi et sa soeur y enseignent depuis les années 80. Les deux travaillent même en partenariat depuis huit ans auprès des élèves de première et deuxième années. Et les enfants de Mme Ghanoudi ont aussi fréquenté l'école.

Isabel Barroso et Pietro Riccardi sont également tristes de la tournure des événements. Comme plusieurs parents, ils tentent par tous les moyens de sauver l'école de leur quartier.

Leurs deux filles, Ève et Miriam, y ont fait leur primaire. Elles en sont sorties complètement bilingues. Leur fils sera en sixième année l'an prochain. «Ce n'est pas logique», lance M. Riccardi, qui vante le programme d'immersion française de l'école. «On veut sacrifier notre école pour garder de petites écoles qui ont des programmes inférieurs.»

À l'étude

Rien n'est encore décidé, précise la présidente de la commission scolaire English-Montreal, Angela Mancini. Au printemps, les commissaires ont fait connaître les scénarios à l'étude.

Les écoles primaires St. Brendan et Nesbitt, dans Rosemont, ainsi que l'Académie Fraser, à Saint-Laurent, sont menacées de fermeture. Déplacements d'élèves, déménagement et fusion d'écoles sont également prévus. Une vingtaine d'écoles au total pourraient être touchées par ces recommandations.

Les commissaires procéderont à une consultation publique à l'automne. Les parents ainsi que toutes les organisations intéressées pourront présenter un mémoire. La décision sera connue en janvier prochain.

Cette consolidation aurait pu être entreprise plus tôt, reconnaît Mme Mancini, mais les commissaires venaient d'être élus et ne sentaient pas qu'ils maîtrisaient suffisamment le dossier pour prendre des décisions aussi importantes.

«Avec le temps, plus d'écoles ont continué de perdre des élèves. Ça paraît donc plus gros aujourd'hui que si on l'avait fait en deux étapes», explique-t-elle.

La clientèle de la commission scolaire English-Montreal est passée de 25 561 élèves en 2005 à 22 257 élèves l'an dernier, révèle une compilation du ministère de l'Éducation.

L'autre commission scolaire anglophone de l'île de Montréal, Lester B.-Pearson, a pour sa part vu sa clientèle diminuer de 27 181 élèves en 2005 à 24 386 élèves l'an dernier. Elle a alors dû fermer trois écoles primaires.

Nouvelles méthodes

Cette baisse de clientèle force les écoles à revoir leurs méthodes. L'an dernier, la commission scolaire English-Montreal a ainsi lancé une vaste campagne de promotion pour mieux faire connaître ses programmes d'immersion en français.

Les cours ont bien changé, et les parents ne sont pas toujours au courant, souligne Mme Mancini. Il ne s'agit plus seulement d'enseigner le français dans un cours; l'enseignant parle aux élèves de la culture francophone, invite des artistes et des auteurs en classe.

Depuis que les plans de consolidation sont connus à la commission scolaire English-Montreal, la mobilisation s'organise. Dans certaines écoles, elle est plus discrète. La direction invite les commissaires à visiter leur école afin de leur faire connaître son programme.

Ailleurs, comme à l'école Nesbitt, les parents sont fortement mobilisés. Ils ont entamé une campagne médiatique et créé une page Facebook pour sauver leur école.

Ces possibles fermetures causent beaucoup de tensions, reconnaît Mme Mancini. Les commissaires portent souvent l'odieux de la décision.

«Chaque fois qu'on dit oui à une fermeture d'école, on sait que c'est une page d'histoire qui se tourne. Mais on prend notre décision avec notre conscience, avec un regard froid. C'est ce qu'on doit faire.»