Ce qui aurait dû être une rare bonne nouvelle, la construction d'une école primaire, est devenu une source de discorde à L'Île-des-Soeurs depuis un mois. Les opposants estiment que l'édifice va ravager le parc de la Fontaine, un petit paradis de verdure apprécié dans le secteur. Les partisans dénoncent, eux, ce qu'ils qualifient de campagne de désinformation typique du syndrome «pas dans ma cour».

Les opposants ont sorti l'artillerie lourde, hier: ils ont dévoilé une pétition signée par 1570 des quelque 4000 citoyens qui auraient droit de vote en cas de référendum, qui pourrait avoir lieu à l'automne.

Devant la controverse, le 25 mai, l'arrondissement de Verdun a suspendu le changement de zonage qui aurait permis la construction de l'école et chargé un comité de «bonifier» le projet. Un nouveau projet de modification de zonage sera déposé en septembre. Le parc de la Fontaine, a cependant soutenu le maire Claude Trudel lors d'un bref point de presse, hier, demeure «le seul endroit disponible, valable et convenable» pour cette école.

Les opposants ne l'entendent pas de cette oreille. «C'est scandaleux de considérer un parc comme un terrain disponible, dit Mario Langlois, avocat en droit des affaires et porte-parole du Comité de protection du parc de la Fontaine. Il y a des terrains pour construire des tours, des commerces, mais pas pour une école?»

«Faussetés» et «aberrations»

Le groupe de citoyens n'est pas contre la construction d'une deuxième école primaire à L'Île-des-Soeurs, «au contraire», assure M. Langlois. Hier, le maire Trudel a pris acte de la pétition, mais il a expliqué qu'elle ne remplacerait pas le processus démocratique habituel, soit l'ouverture d'un registre, à l'automne, après l'adoption du changement de zonage. Il a répété que la future école n'empiéterait que sur une «petite portion» du parc de la Fontaine - 7% de sa superficie totale, selon l'arrondissement. Les opposants estiment quant à eux qu'on en perdra 41%.

Cette croisade est «aberrante», dit Olivier Drouin, président du conseil d'établissement de l'école primaire Île-des-Soeurs et porte-parole du groupe Dessine-moi une autre école, qui regrouperait quelque 400 personnes. «On ne parle pas de gaz de schiste ou d'une usine de déchets, mais d'une école!», dit M. Drouin. La pétition des opposants ne l'impressionne pas et il se dit convaincu de remporter un référendum sur la question. «Si on met un papier devant quelqu'un et qu'on lui dit qu'il va y avoir un massacre écologique, évidemment, la personne va signer. Mais j'ai foi en l'être humain: les gens vont écouter les arguments et se faire une opinion d'eux-mêmes.»

Tributaire de l'arrondissement

À la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, on rappelle que le besoin d'une deuxième école est criant. Le seul établissement primaire de l'île est fréquenté par plus de 940 élèves, ce qui en fait le quatrième plus important au Québec. Cette deuxième école a été annoncée par Québec le printemps dernier et devait être ouverte en décembre 2012. Le terrain offert par l'arrondissement de Verdun au parc de la Fontaine «fait notre affaire, il favoriserait une école de marcheurs et il est central», explique le porte-parole Jean-Michel Nahas. Il assure que la construction de l'école se ferait dans le respect de l'environnement du parc, avec un souci de design et d'intégration.

«Mais on est tributaires de l'arrondissement, alors on va faire avec ce qu'on nous propose», ajoute-t-il.

Cette controverse «est un exemple flagrant de mauvaise gestion», estime Richard Bergeron, chef du parti de l'opposition Projet Montréal. «Comment se fait-il que l'Administration ait été incapable de réserver des terrains pour l'usage public? L'administration Tremblay n'a que faire du respect des espaces verts et de la rétention des familles à Montréal», a-t-il déclaré à la suite du point de presse de Claude Trudel.