Se faire injurier sans cesse. Être constamment exclu d'un groupe. Se faire frapper ou bousculer... Entre la maternelle et la deuxième année du primaire, 1 enfant sur 10 est victime de brimades incessantes.

Une nouvelle recherche publiée hier par l'Institut de la statistique du Québec révèle que les élèves persécutés le sont très tôt dans leur parcours scolaire. Plus tôt que ce que l'on pourrait croire.

«Nous sommes surpris», lance Claudine Giguère, agente de recherche et coauteure du fascicule La victimisation par les pairs de la maternelle à la deuxième année du primaire. «Il ne faut pas attendre avant d'intervenir. Très tôt, les enfants ont besoin d'apprendre à fonctionner ensemble.»

Le fascicule publié hier s'appuie sur les données recueillies par l'Étude longitudinale du développement des enfants du Québec, amorcée en 1997-1998, aux fins de laquelle quelque 2120 enfants font l'objet d'un suivi annuel depuis l'âge de 5 mois. L'objectif est de comprendre ce qui peut mener au succès ou à l'insuccès scolaire, et ce, dès la petite enfance.

Pour ce volet sur les brimades, 1000 enfants de partout au Québec ont répondu au questionnaire, avec l'aide de leurs parents. Ils devaient indiquer s'ils avaient déjà été victimes de brimades.

La moitié des enfants ont affirmé qu'ils en avaient subi de façon modérée entre la maternelle et la deuxième année, tandis que 10% des enfants ont vécu des brimades de façon intense et répétée.

La «victimisation» se définit par des comportements agressifs d'un ou plusieurs enfants vis-à-vis d'un autre. Il peut s'agir de frapper ou bousculer, de briser volontairement un objet, de crier des injures, de faire circuler de fausses rumeurs. Dans certains cas, les brimades prennent la forme d'intimidation ou de taxage.

Parcours scolaire

Pour la suite de leur étude, les chercheurs aimeraient comprendre l'effet de ces gestes sur le parcours scolaire d'un élève, car certains indices laissent croire qu'il pourrait y avoir corrélation. «Il semble que les enfants victimes de persécution aiment moins l'école, note Mme Giguère. Or on sait que, pour réussir à l'école, il faut aimer l'école.»

Les enfants différents sur le plan physique, qui ont un surplus de poids ou un handicap, sont souvent la risée des autres élèves. Mais les enfants qui ont des problèmes de comportement, qui sont hyperactifs ou agressifs, peuvent aussi être l'objet de brimades, démontre l'étude.

Un enfant qui ne sait pas comment se joindre à un groupe, qui entre en communication en frappant les autres ou en prenant le ballon sans permission risque ainsi de susciter la colère des autres enfants, qui répondront par des injures. C'est le début des brimades.

Persécution

Les enfants dont les parents ont recours à des méthodes coercitives, qui s'emportent ou crient après eux risquent aussi d'être victimes de persécution.

«L'enfant est aux prises avec un modèle qu'il imite. Il crie après ses amis - ce qui n'est pas une bonne idée - ou, au contraire, se retire, devient très craintif, ne prend pas sa place dans une cour de récréation», souligne Mme Giguère.

Les brimades ne se passent généralement pas dans la classe, sous les yeux de l'enseignant, mais plutôt dans la cour de récréation, avant ou après les classes. D'où l'importance, à titre de parent, d'ouvrir l'oeil et de permettre à son enfant d'acquérir de bonnes habiletés sociales, presse Mme Giguère.